Jean-Louis Bobin et Hervé Nifenecker
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Dans sa rubrique " EPIGRAMME " , Sauvons le Climat propose régulièrement de courtes scènes satiriques axées sur des sujets d'actualité.
Cette nouvelle  scène présente des aspects inédits du débat sur la dernière consulation pour la PPE 2018... 
 
A lire absolument...  Lien vers le : document pdf téléchargeable
 
Au bar, à l’heure de l’apéritif, Nicolas (écologiste), Pierre (ingénieur, membre de Sauvons le Climat) et Jacques (trader) refont le débat avec, occasionnellement, la patronne du café,  sur la denière consultation pour la PPE 2018.

 PPE debat V3 1

NICOLAS (Un numéro d’Alternatives économiques à la main). Je vous recommande ce point de vue paru pendant le débat public sur la PPE qui s’est achevé le 30 juin. Selon l’article et j’en suis bien d’accord, le débat esquive une vraie question. La LTECV prévoit une baisse de 20% de la consommation d’énergie en 2030 par rapport à 2012. Cet objectif, pourtant fondamental, m’apparait largement occulté.


PIERRE Et que faites-vous de la réduction des émissions de gaz à effet de serre ?


NICOLAS Elle sera automatiquement réalisée si notre consommation d’énergie diminue. C’est mathématique.


JACQUES Et comment comptez-vous y arriver sans que cela se traduise par une récession, conséquence tout aussi mathématique si j’en crois Jean-Marc Jancovici qui observe une proportionnalité planétaire entre énergie et PIB par habitant?


PIERRE Attention, corrélation n’est pas causalité. Je nuancerai votre propos en disant qu’il est possible qu’une moindre disponibilité d’énergie entraine un appauvrissement.


NICOLAS Et alors ? Ne peut-on s’affranchir de la surconsommation ? Avec de la volonté politique associée à une prise de conscience citoyenne, on va tendre vers une sobriété heureuse comme le préconisent Negawatt et l’ADEME, notables exceptions dans les contributions au débat.


PIERRE Ah le débat… D’autres vraies questions sont insuffisamment traitées au profit d’une controverse stérile entre nucléaire et renouvelables. Un constat d’abord : la France n’est pas sur une bonne trajectoire de décarbonisation. Les statistiques confirmées par le suivi de la Stratégie Nationale Bas Carbone montrent que nos émissions ont augmenté de 2% entre 2015 et 2018 alors que l’on aurait du avoir des chiffres en baisse. On attendait — 3%. Ce différentiel de 5% est inquiétant.


JACQUES La reprise économique et le regain de croissance y seraient-ils pour quelque chose, conformément au schéma de Jancovici ?


PIERRE Peut-être, mais je remarque surtout que le budget alloué à la transition énergétique a été mal employé.


NICOLAS Un effort important a cependant visé à accroitre la part d’électricité renouvelable qui augmente trop lentement à mon gré en raison des recours et des réticences mal venues de conservateurs de paysages.


PIERRE Justement vous venez de citer l’exemple d’une mauvaise orientation.


NICOLAS Elle me paraît au contraire excellente.


PIERRE Vous allez voir ce qu’en pense une personne de bon sens. Patronne !


PATRONNE C’est pour renouveler les consos ?


PIERRE Oui mais avant, nous avons une question. Mettez-vous un instant à la place du gouvernement.


PATRONNE Je n’y tiens pas tellement, vous savez… chacun son métier…


PIERRE Essayez pour une fois. Vous voulez inciter nos concitoyens à réduire les émissions de gaz à effet de serre qui viennent essentiellement des transports et de l’habitat et très peu du système électrique.


PATRONNE C’est un peu trop calé pour moi.


PIERRE Dites tout de même… Où placez-vous les crédits ? dans la décarbonisation des transports et de l’habitat ou dans la modification d’une production électrique déjà décarbonée ?


PATRONNE Il me semble que s’impose la décarbonisation des transports et du chauffage…


PIERRE Eh bien nos pouvoirs publics ont d’autres priorités comme le développement des renouvelables mieux financé que l’isolation des bâtiments.


PATRONNE Et pourquoi donc ?


NICOLAS Parce que les renouvelables sont l’avenir du système énergétique. Le nucléaire c’est du passé. Et la France n’a que trop tardé à envisager d’y renoncer.


PATRONNE Si c’est vous qui le dites… Je vous prépare trois autres kirs…


PIERRE Le propos de note ami Nicolas nous ramène à l’obsession antinucléaire d’une majorité d’écologistes qui s’est manifestée tout au long du débat par des commentaires atteignant parfois l’hystérie. Mais, comme disait Talleyrand : « tout ce qui est excessif est insignifiant ».


NICOLAS Valable aussi pour les anti-renouvelables qui détestent surtout l’éolien, non ?


PIERRE Il existe de bonnes raisons pour contester le remplacement de l’électronucléaire par certains renouvelables : cela n’apporte rien du point de vue des émissions de gaz à effet de serre et induit, en raison de  l’intermittence, de graves problèmes de réseau et de service. Dans l’affrontement entre nucléaires et renouvelables, les promoteurs de ces derniers sont d’abord et majoritairement antinucléaires par intérêt bien compris au moins autant que par conviction.


JACQUES Ils ont su me semble-t-il s’organiser en un lobby particulièrement actif et comme l’avait dit Angela Merkel avant d’être chancelière : « il y aura tellement de bénéficiaires de la politique en faveur de l’énergie éolienne que vous ne trouverez pas de majorité pour y mettre fin ».


NICOLAS N’empêche que Merkel a eu bien raison de programmer à brève échéance la fin du nucléaire. En France nous avons un lobby nucléaire au coeur même de l’Etat. Il nous a imposé un désastre environnemental et maintenant économique.


PIERRE Lobby pour lobby, afin de faire nombre et de gonfler l’importance du secteur, le SER…


JACQUES Le quoi ?


PIERRE … pardon, le Syndicat des Energies Renouvelables a présenté au débat autant de cahiers d’acteurs (plus de 10) que de commissions spécialisées de cette organisation. 4 seulement concernent autre chose que la génération d’électricité : la géothermie, le solaire thermique, le bois énergie et le gaz renouvelable, successeur écologique du gaz naturel.


NICOLAS Mais c’est très bien tout ça !


PIERRE Sauf que les ordres de grandeur n’y sont pas. Quant à la production d’électricité, quelle est la nécessité de mettre une source décarbonée à la place d’une autre ?


JACQUES D’autant que, si je suis bien informé, une telle substitution coûterait la peau des fesses.


PIERRE C’est déjà le cas. Des dizaines de milliards ont été engagés dans cette politique, à la charge des consommateurs d’électricité et des contribuables et ce n’est évidemment pas fini.


NICOLAS C’est le prix à payer pour une assurance contre les dangers du nucléaire. Je vous rappelle que la réduction de la part du nucléaire est inscrite dans la loi qui s’impose à tous.


PIERRE Dans ses réponses, la maitrise d’ouvrage invoque constamment ce rappel à la loi. Pour elle, comme pour les écologistes, les 50% de nucléaire, chiffrage sans fondement scientifique et purement politicien, semblent être la loi et les prophètes.


JACQUES La loi, je vois : la LTECV a été votée. Mais pourquoi les prophètes ?


PIERRE Parce que cette disposition implique à terme la sortie du nucléaire que ces militants appellent de leurs voeux.


NICOLAS Je confirme.


PIERRE Les contributions des ONG environnementales au débat public sont à cet égard édifiantes : un pilonnage en règle de l’électronucléaire. Le climat n’est vraiment pas leur souci premier.


NICOLAS Détrompez-vous. Les écologistes sont aussi partisans de la sortie du charbon.


JACQUES Verra-t-on un jour des militants de Greenpeace envahir, dans un grand tintamarre médiatique, une centrale à charbon chinoise ?


PIERRE Vous plaisantez. Ils sont courageux mais pas téméraires. Il est bien moins risqué de s’en prendre aux installations d’EDF, et encore moins, dans le débat, d’apostropher cette entreprise sur le ton de parents morigénant leurs gosses : « EDF, c’est pas bientôt fini le nucléaire ? »


JACQUES Et les modérateurs ont laissé passer !


NICOLAS Oui car ils sont dans une démarche démocratique : donner la parole à tous les citoyens, individuellement autant qu’à travers leurs associations.


PIERRE Ce n’est pas une raison pour mettre sur le même plan le militantisme émotionnel et les analyses de l’Académie des Sciences comme a l’air de le faire une maitrise d’ouvrage visiblement partisane. Les lois de la nature ne se décident pas à la majorité. Ne pas en tenir compte au nom de la volonté politique ne peut mener qu’à des impasses. Et si j’en crois les discours de clôture, nous en prenons le chemin.


NICOLAS Ces discours répondent aux souhaits du plus grand nombre exprimés dans le débat, tels que je les ressens et que les a ressentis la maitrise d’ouvrage. A la PPE de mettre tout cela en oeuvre.


PIERRE A Sauvons le Climat, nous n’avons pas la même lecture du débat. Beaucoup de gens et d’institutions dont la compétence est reconnue se sont exprimés pour mettre en garde contre les a priori et les dérives idéologiques et réorienter le débat vers les vrais problèmes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais c’est devenu une habitude de tenir pour nulle et non avenue la parole des experts qui ne sont pas des militants, autoproclamés spécialistes. Et cela commence avec le manque d’informations précises et vérifiables qui auraient pu être diffusées pour éclairer les citoyens. On reste confondu par l’ignorance crasse
et l’alignement sur de la désinformation qui apparaissent dans maints points de vue.


JACQUES Diriez-vous que le débat n’a fait que conforter chacun dans ses convictions et ses certitudes, à commencer par les organisateurs ?


PIERRE C’est à craindre en effet.


PATRONNE Messieurs, vos kirs

EPIGRAMMES

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