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Qui ne veut pas d’une augmentation de la capacité nucléaire ? Des convergences remarquables

Henri PREVOT
  • Nucléaire
  • Production d’énergie

 

Henri PREVOT : Qui ne veut pas d'une augmentation de la capacité nucléaire ? Des convergences remarquables

 

L'électricité nucléaire est un des moyens les moins coûteux d'éviter des émissions de gaz carbonique d'origine fossile (le CO2). La France maîtrise très bien cette technique et dispose d'un parc de production qui lui permet de se situer parmi les pays industrialisés qui émettent le moins de CO2 par personne. Depuis vingt ans un seul nouveau réacteur a été mis en chantier. Nous pourrions diviser nos émissions par deux ou trois sans que cela ne nous coûte trop cher en augmentant la capacité de production d'électricité nucléaire de 50 ou 80 % en trente ou quarante ans, mais les débats du « Grenelle de l'environnement » ni les projets de loi, « Grenelle 1 » et « Grenelle 2 » n'ont rien dit sur la capacité nucléaire. Ce silence interroge. Est-ce seulement une affaire de « psychologie » ou de « politique » ? En regardant les choses de plus près, on s'aperçoit que sont nombreux et variés ceux qui, pour des raisons différentes ne veulent pas d'une augmentation de la capacité nucléaire.

- Des opposants historiques au nucléaire

- Ceux qui, sur la base d'un raisonnement de thermodynamique, affirment qu'utiliser de l'électricité pour se chauffer est un gaspillage d'énergie

- Ceux qui, se plaçant sur le terrain économique, avancent qu'il n'est de bon nucléaire que celui qui tourne en base, c'est à dire presque sans s'arrêter ; ou prétendent que, si l'on manque d'électricité en période de pointe, il faut construire des installations conçues pour tourner quelques centaines d'heures seulement par an ; ou affirment que, du moment que la France exporte de l'électricité nucléaire, c'est qu'elle a une capacité de production nucléaire excédentaire

- Les promoteurs de modes de production d'électricité à partir d'énergies autres que nucléaire, c'est à dire les éoliennes, le photovoltaïque, la biomasse, et aussi le gaz dit « naturel », ce qui ne surprendra pas

- Les entreprises qui produisent de l'électricité nucléaire, ce qui est moins intuitif

- Des « moralistes » qui nous disent qu'une énergie facile, abondante et pas chère est la mère de tous les vices

- Les promoteurs de « fonds carbone », c'est à dire les acteurs de la « finance carbone », ceux qui achèteront des permis d'émettre dans le but de les revendre plus cher.

Qui donc a intérêt à une augmentation de la capacité de production nucléaire ? Les consommateurs et, si l'on se place dans le contexte mondial avec une vue à long terme, notre pays - un intérêt industriel et stratégique majeur.

 

1- Les opposants historiques au nucléaire

Il est normal qu'après le drame épouvantable de Tchernobyl une forte opposition se soit élevée contre le nucléaire, sept ans après l'accident survenu à Three Mile Isand, aux Etats-Unis, un accident qui n'a causé aucun dommage hors de l'enceinte de l'usine mais qui avait montré que même les installations les plus modernes dans un pays connu pour son sérieux n'étaient pas parfaitement sûres. Un vaste mouvement antinucléaire s'est donc développé sur toute l'Union européenne et aux Etats-Unis : le risque très grave ne doit pas être toléré, même si sa probabilité est extrêmement faible. L'opération très banale pour évaluer un risque, qui consiste à multiplier le coût des dommages par la probabilité d'accident, serait dans ce cas immorale. Le risque très grave existe, la preuve en a été faite, le nucléaire doit donc être banni de la face de la Terre. Cette position, qui est honorable, se met délibérément hors du champ rationnel. Il est donc difficile de lui répondre par des arguments. Mais elle bute sur la réalité des faits. Or le « principe de réalité », comme on dit pompeusement, s'impose à tous. Non seulement les réacteurs en fonctionnement n'ont pas été arrêtés1 mais, surtout, on sait désormais que les réacteurs nucléaires ne seront pas rayés de la carte mondiale. Dès lors, l'opposition systématique contre le nucléaire perd son fondement. L'argument moral, tout au contraire, invite à augmenter la capacité nucléaire dans les pays où lui sont favorables les conditions techniques, sociales et politiques car, quoi que l'on fasse par ailleurs - isolation thermique, sobriété, biomasse ou éoliennes -, un réacteur nucléaire de plus en France, c'est de 2 à 3 millions de tonnes de carbone par an en moins dans l'atmosphère ; refuser une augmentation nucléaire en France, c'est donc porter préjudice à ceux qui souffriront le plus du réchauffement, c'est à dire à ceux qui n'auront pas les moyens de se préserver. Le raisonnement économique va dans le même sens. Non seulement le nucléaire est un des moyens les moins chers de produire de l'électricité, mais aussi, quelle que soit la façon dont on les calcule, le coût économique des risques ou des nuisances qu'il génère, y compris les déchets2, est mille fois moindre que celui des dommages qui seraient causés par les émissions qu'il évite. Que reste-t-il donc aux opposants historiques pour justifier le maintien de leur position ? Exprimé ou pas, tout simplement l'argument NIMBY, « not in my backyard » : s'il y a un risque, s'il faut stocker quelque part les déchets, que ce soit loin de chez moi ! Un argument qu'il faut voir tel qu'il est, et non drapé dans les plis de la vertu morale. Il n'est pas surprenant que des opposants historiques de bonne foi soient devenus, depuis, des ardents défenseurs du nucléaire - on en connaît plus d'un. Que ceux qui continuent de s'y opposer réorientent leurs efforts et agissent pour que soient toujours réunies les conditions d'un fonctionnement sûr ! Là, tout en ne perdant pas de vue les ordres de grandeur3, il y aura toujours matière à être vigilant !

 

2- Utiliser intelligemment l'électricité pour se chauffer

Comme l'électricité se stocke très mal, lorsque le réseau électrique a du mal à répondre à la demande le consommateur est prêt à payer très cher l'électricité dont il a besoin. Si le consommateur accepte de ne pas être livré pendant les périodes de pointe de consommation, le producteur pourra lui vendre de l'électricité à très bon prix puisqu'il pourra mettre de l'électricité sur le marché lorsque celle-ci sera très chère : le prix d'une électricité « effaçable » peut être cinquante fois moindre que celui de l'électricité en période de pointe4. Comment peut-on alors parler de l'électricité comme de quelque chose d'homogène ?

Si l'électricité se stocke très mal, le fioul, au contraire, se stocke très bien. Avec un chauffage hybride, alliant électricité et fioul, l'électricité pourra être automatiquement coupée par le fournisseur, sans préavis, que ce soit pour quelques minutes ou plusieurs jours. Il est dit et répété qu'il n'est pas efficace d'utiliser l'électricité pour se chauffer (sauf avec une pompe à chaleur). Il est également dit et répété que le fioul doit être remplacé par autre chose, énergie renouvelable ou, à défaut, gaz « naturel », moins émetteur de CO2 que le fioul. Il est assez réjouissant pour l'esprit de se rendre compte que, dans les logements équipés d'un chauffage au fioul individuel ou collectif5, la combinaison d'une électricité effaçable et de fioul est une des méthodes les moins coûteuses pour diminuer à la fois la consommation de fioul et les émissions de CO2. Cela demande, bien sûr, que les tarifs de l'électricité fassent une très grande différence entre l'électricité effaçable et l'électricité de pointe.

 

3- Produire l'électricité au moindre coût - un résultat peu connu

Pour produire de l'électricité, il faut investir, gérer et entretenir l'usine et consommer de l'énergie, gaz, charbon ou matière fissile. Certaines dépenses augmentent avec la quantité produite ; elles forment le « coût variable », exprimé en euro par mégawatt.heure, €/MWh ; il s'agit pour l'essentiel de l'énergie à laquelle s'ajoute le coût des effets externes, gestion des déchets nucléaires ou « coût du CO2 ». Les autres dépenses sont des « frais fixes », liées non à la production mais à la capacité de production. Il s'agit des dépenses de fonctionnement et d'une annuité constante représentative des dépenses d'investissement qui dépend de la durée de vie des installations et du taux de rémunération de la ressource financière. Le coût de production par MWh est la somme du coût variable et du « coût fixe », c'est à dire les frais fixes rapportés à la quantité produite chaque année. Pour une installation donnée, le coût de production dépend donc de la durée annuelle de fonctionnement, que l'on exprime en heures par an sachant qu'il y a 8760 heures dans une année.

Pour produire de l'électricité pendant une grande partie de l'année, on préfèrera une installation dont le coût variable est faible même si les frais fixes sont élevés, et inversement. Si l'on compare deux moyens de production comme le nucléaire et une centrale au gaz à cycle combiné (CCG), on peut donc calculer une durée de fonctionnement annuelle telle que les coûts de production par l'un et l'autre moyen sont égaux.

Si l'on veut diviser par deux ou trois nos émissions, il faut compter que le coût du gaz et du charbon vu du producteur d'électricité, c'est à dire la somme du prix mondial et d'une contribution au titre du CO2, sera équivalent à 100 ou 120 $/bl6 - ce qui donne un gaz industriel à 40 €/MWh. Quant au coût de la ressource financière, s'agissant d'un équipement d'intérêt public, on pourrait trouver normal de le compter à 4 % en monnaie constante, taux recommandé par le Plan ; une entreprise de droit privé préfèrera 8 %. Dans ce calcul, le coût d'un EPR ne sera pas celui d'un prototype, mais celui d'un réacteur de série bénéficiant de l'effet d'échelle. Alors, entre un EPR et une CCG, la durée de fonctionnement à coût équivalent est comprise entre 1200 et 2200 heures par an, environ 20 % du temps.

Cela veut dire que dans un parc conçu pour produire de l'électricité au moindre coût dans le cadre d'une politique de l'énergie visant à beaucoup diminuer les émissions, aucun autre moyen que les barrages de fleuve et les réacteurs nucléaires ne fonctionnera plus de 1200 ou 2200 heures par an. Connaissant la demande d'électricité, on calcule alors la capacité nucléaire de ce parc. Selon le profil de la consommation électrique, la durée moyenne de fonctionnement de ces réacteurs pour répondre à la consommation française sera de 6000 ou 7000 heures. Le reste du temps, certains pourront être arrêtés pour entretien ou pour se recharger en combustibles, les autres pourront produire de l'électricité pour l'exportation.

Il est évident qu'un réacteur qui fonctionne sans arrêt produit une électricité moins coûteuse qu'un autre qui ne fonctionnerait que 5000 heures dans l'année mais, la demande d'électricité étant ce qu'elle est, dire qu'il n'est de bon nucléaire que celui qui tourne sans s'arrêter est une grosse erreur. De même, il est inexact de dire que les exportations d'électricité nucléaire sont le signe d'une surcapacité.

Parlons de la pointe de consommation. Un manque de capacité se fera sentir pendant les périodes de pointe de consommation, c'est une évidence7. Mais de là à conclure que, du moment que l'on observe des périodes de tension sur le marché, il faut augmenter les capacités de pointe, ce serait aller un peu vite. Tout d'abord, la pointe de demande d'électricité pourrait être singulièrement « rabotée » si l'on diffusait largement la technique du chauffage et des véhicules hybrides alimentés par des prises « intelligentes » qui remplaceraient en cas de besoin l'électricité par du fioul ou du carburant8. Par ailleurs, si l'on veut réellement diminuer nos émissions, en comptant comme je l'ai dit le coût du gaz ou du charbon on verra qu'il nous manque dès aujourd'hui l'équivalent de plusieurs EPR9.

 

4- Que les promoteurs d'énergie autres que nucléaire ne soient pas favorables à une augmentation de la capacité nucléaire, rien d'étonnant.

On notera que l'éolien, dont les fluctuations se mêlent à celles de la demande, a en gros le même effet qu'une production d'électricité de base et coûte deux fois plus cher qu'une électricité nucléaire de base sans apporter aucun avantage en ce qui concerne les émissions de CO2 - au contraire, en cas d'arrêt des éoliennes, il augmente les besoins d'électricité d'ajustement, qui seront satisfaits par une production d'électricité à partir de charbon ou de gaz. Quant au photovoltaïque, les objectifs énoncés en France aujourd'hui (5,4 GW, produisant beaucoup moins d'électricité qu'un EPR) génèreraient un surcoût presque égal chaque année à ce que coûte la construction d'un EPR10.

 

5- Il est moins évident que les producteurs d'électricité nucléaire, en France, n'ont pas intérêt à ce que la capacité nucléaire augmente.

Et pourtant, c'est une réalité qu'il faut mettre en lumière.

Il ne s'agit pas de faire un procès à EDF mais de constater qu'elle a été mise dans une situation d'injonctions contradictoires dont elle n'est pas responsable et dont ses agents, peut-être, souffrent. D'une part, héritière d'une entreprise nationale entièrement vouée au service public, EDF veut diminuer le coût de production de façon à pouvoir diminuer le prix de vente ; d'autre part, société de droit privé avec des actionnaires privés, elle a statutairement le devoir de chercher à faire le maximum de bénéfice.

Prenons le cas théorique d'un marché fermé où joue la concurrence, où les prix sont ceux du marché et où plusieurs producteurs disposent d'une capacité de production nucléaire. Si, au total, cette capacité est égale à ce que demande la consommation « de base », les producteurs feront un superbénéfice considérable, à peu près égal à leurs dépenses, car ils vendront toute leur production nucléaire à un prix égal au coût des productions concurrentes, à partir de gaz ou de charbon, qui sera beaucoup plus élevé (et d'autant plus que la lutte contre les émissions sera plus exigeante). En revanche, si la capacité de production nucléaire est celle d'un parc optimal, le bénéfice des producteurs sera de quelques pourcent de leurs dépenses. Supposons que la capacité nucléaire est intermédiaire entre la base et l'optimum ; les producteurs disposent encore d'une belle rente ; si la demande augmente, le nombre d'heures dans l'année pendant lesquelles le prix de l'électricité sera égal au coût de l'électricité faite à partir de gaz ou de charbon augmentera et, avec lui, les bénéfices des producteurs d'électricité nucléaire. On démontre que, même si ces producteurs se font concurrence et ne s'entendent pas entre eux, aucun n'a intérêt à augmenter sa capacité nucléaire, sauf s'il a une très petite part de marché ; mais alors un producteur dominant aura intérêt à lui donner cette part de marché plutôt que de voir la capacité de production totale augmenter et la supermarge totale diminuer.

La situation française est intermédiaire. Le marché n'est pas fermé mais les capacités des connexions avec les pays voisins sont limitées. La capacité nucléaire est intermédiaire entre la puissance de base et la capacité optimale. Une partie des ventes se fait au prix du marché et une partie selon un tarif administré. Mais la tendance est là et elle est très lourde : si la demande augmente, EDF, comme société anonyme de droit privé, n'a pas intérêt à augmenter sa capacité nucléaire.

 

6- Quittons la technique et l'économie et revenons vers la morale.

Une remarque faite par un ami m'a interpellé : « tu ne serais pas à l'aise dans un monde où l'énergie serait abondante et bon marché ». La contrainte serait-elle nécessaire à la morale ? Certes, on apprend à l'école que la contrainte de la rime et du rythme aide à l'éclosion de la poésie, mais de là à dire que la vertu exige la contrainte... A titre individuel, on peut décider de s'imposer une contrainte, sobriété ou consommation d'énergie « verte » quel que soit son coût Mais attention à ne pas confondre morale individuelle et morale du politique ! Le politique, me semble-t-il, a comme devoir de réunir les conditions collectives de la sécurité et de la santé publiques et de préserver la cohésion sociale en mettant en oeuvre les moyens qui imposent aux personnes aussi peu de contrainte que possible. Que chacun prenne les décisions qu'il juge bonnes selon sa propre morale, sachant qu'il est plus facile à un riche qu'à un pauvre de diminuer sa consommation d'énergie fossile, mais, pour ce qui est de la politique publique, recherchons les moyens qui coûtent aussi peu que possible ! Si l'électricité nucléaire est- sûre, abondante et bon marché, tant mieux !

 

7- Passons maintenant du côté des financiers

Pour éviter un réchauffement catastrophique, les Etats, qu'ils s'engagent ou non à respecter une limite nationale, devront prendre des décisions qui diminuent les émissions. Le protocole de Kyoto donne la possibilité aux Etats qui se sont engagés sur une limite, de négocier entre eux des « droits d'émettre » ; de ces transactions entre Etats, il émergera donc un « cours du carbone ». Si l'Etat s'est fixé une limite d'émissions, il peut décider de créer un impôt qui porte le prix à la consommation finale du fioul, du gaz ou du charbon à un niveau qui diminue la consommation d'énergie ou rende compétitives d'autres formes d'énergie suffisamment pour que la limite nationale soit respectée. L'Etat peut également fixer une limite quantitative à un ensemble d'acteurs qui relèvent de son autorité en les laissant négocier entre eux de façon que la limite soit globalement respectée : si l'un d'entre eux peut diminuer ses émissions plus facilement qu'un autre, il lui proposera de lui vendre un « droit d'émettre » à un prix tel que l'un et l'autre y trouveront avantage. Il s'établira donc un marché de droits d'émettre. La valeur de ce droit sera égale à la différence entre ce que l'on dépense pour ne pas émettre et ce que l'on dépenserait en l'absence de cette limite11. Chaque fois qu'il y a à la fois une limite et une possibilité de négociations, le « cap and trade », il y aura un cours, dont un prix du carbone. Autant de marchés, autant de prix du carbone.

Quel que soit le marché, marché entre Etats ou marché entre des acteurs soumis collectivement à une limite d'émission, le « cours du carbone » sur ce marché dépendra de trois facteurs fort différents : le prix de l'énergie fossile car ce que l'on dépenserait en l'absence de limite en dépend directement ; la limite quantitative d'émission de CO2 car ce qu'il faut dépenser pour ne pas émettre coûtera de plus en plus cher si la limite se fait plus contraignante ; et enfin le coût des techniques qui permettent de remplacer l'énergie fossile : moins ce coût sera élevé, plus le prix du carbone sera faible. Dans le cas de la France, la différence de « coût du carbone » pourrait être de 300 ou 400 euros par tonne de carbone selon la capacité de production nucléaire12. Augmenter la capacité de production nucléaire, c'est donc diminuer la valeur du carbone.

Chaque marché de carbone aura donc son cours, qui dépendra non seulement des trois facteurs concrets mentionnés plus haut mais aussi des prévisions sur leur coût, de spéculations sur l'évolution des limites et sur la solidité de la police qui devra encadrer des marchés. La finance a montré comme elle est habile à créer des marchés de notions, futures, swaps de taux ou de risques sur des marchés de biens et service. Que ne fera-t-elle pas à partir de marchés du carbone qui sont eux-mêmes des marchés non pas de biens et services concrets, mais de notions qui n'existeront et ne pourront subsister que par l'exercice effectif d'une volonté politique, à quoi s'ajouteront les multiples possibilités d'arbitrage entre les marchés ? Les gestionnaires de fonds carbone ont pour mission d'acheter des permis d'émettre pour les revendre plus cher. Leur prospérité viendra de la qualité de leurs informations, c'est à dire de leur proximité du pouvoir. Elle sera plus grande encore si les moyens qui permettent d'éviter les émissions au moindre coût ne sont pas développés.

Un opposant historique au nucléaire qui n'a pas changé de position alors que le monde a changé agira donc - alliance objective - pour la plus grande prospérité des gestionnaires de fonds carbone, dont les intérêts convergent avec tous ceux qui produisent de l'électricité, qu'elle soit d'origine nucléaire ou non ; et tous sont appuyés par ceux qui, faute d'un examen suffisant, veulent bannir l'électricité du chauffage, par ceux qui professent qu'il n'est de bon nucléaire que celui qui tourne en base et par ceux qui, faute de distinguer morale personnelle et responsabilité politique, voudraient imposer à chacun un art de vivre et un comportement qu'ils ont décrété vertueux - tout cela pour ne pas augmenter la capacité française de production nucléaire

Comment des élus peuvent-ils résister à cette convergence dont la diversité fait le pouvoir de conviction ? On se trouve donc aujourd'hui dans une situation de « ni-ni », ni augmentation significative, ni réduction de la capacité de production nucléaire, une situation de fait jamais explicitée mais sous jacente aux orientations de Grenelle.

 

Qui donc pourrait vouloir une augmentation de la capacité de production nucléaire ?

Le consommateur pourrait avoir son mot à dire. Selon que l'on augmentera plus ou moins la capacité nucléaire, le coût de la réduction des émissions sera différent de quelques dizaines de milliards d'euros par an13.

L'intérêt de notre pays dans son ensemble est, lui aussi, concerné. Forcer les constructions nouvelles à coûter 15 % plus cher pour respecter les réglementations techniques excessivement draconiennes proposées par le Grenelle, ce serait construire 15 % de moins de logements ; sur les dizaines de milliards d'économie qu'une augmentation de la capacité nucléaire rendrait possible chaque année, quelques-unes pourraient être employées pour l'éducation de la jeunesse, la recherche ou la défense par exemple. Par ailleurs, il est très facile de stocker sur le territoire français suffisamment de minerai (le « yellow cake ») pour plusieurs années de production ce qui est un gage de sécurité d'approvisionnement ; et la « génération IV », celle des surgénérateurs, multipliera par près de cent les ressources mondiales en matière fissile.

La France peut prendre une place de leader dans la lutte contre l'effet de serre et la production d'électricité, dans un monde où énergie et changement climatique seront des enjeux dominants.

Après le Grenelle de l'environnement la question reste ouverte : démocratie « participative » ou démocratie « représentative », équilibre entre l'exécutif, les élus, les « associations » et l'opinion publique - comment prendre des décisions qui prennent en compte l'intérêt stratégique à long terme de notre pays ?

 

Références

- « politique énergétique nationale et lutte contre l'effet de serre », article de Henri Prévot - Revue de l'énergie, février 2004.

- « Trop de pétrole -énergie fossile et changement climatique », Henri Prévot, le Seuil 2007, prix de l'Académie des sciences morales et politiques

- le rapport d'enquête sur les prix de l'électricité (2004), par le conseil général des mines et l'inspection générale des finances, http://www.industrie.gouv.fr/energie/electric/sommaire-rap-prix.htm ,

notamment son annexe 1 : http://www.industrie.gouv.fr/energie/electric/pdf/rapport-prix-ann1.pdf et son annexe 4 : http://www.industrie.gouv.fr/energie/electric/pdf/rapport-prix-ann4.pdf - le site internet : http://www.2100.org/PrevotEnergie/

Merci à vous de le dire, de le diffuser pour mieux le faire savoir...

Merci encore

BW
Comment peut on cacher à la population, une réalité aussi évidente.
Merci d'essayer de réveiller les consciences
Très instructif
A mon avis la façon la plus simple de stocker l'énergie éolienne et l'énergie photoélectrique c'est de produire de l'hydrogène par électrolyse (l'oxygène est aussi un sous-produit utile) .
On pourrait aussi charger des batteries électriques qui serviraient de recharge pour les véhicules automobiles à condition que toutes les voitures utilisent un nombre réduit de modèles de batteries interchangeables.
Enfin la façon la plus simple d'utiliser l'énergie solaire c'est de couper les arbres dans les forêts par un réel suivi de la ressource pour optimiser la production et la consommation (éviter des stockages trop importants de bois ; utiliser de grandes chaudières pour ne pas avoir à débiter le bois en trop petits morceaux)
FT
Réponse à FT
Il y a quelques lignes dans l'annexe 1 sur le stockage par production d'hydrogène: le rendement énergétique global est faible, de l'ordre de 20 %, ce qui conduirait à beaucoup augmenter le nombre d'éoliennes et de panneaux solaires nécessaires. Les Norvégiens ont fait un pilote sur l'île d'Utsira, mais çà n'a rien donné d'intéressant. Cela ne peut donc pas être une solution à l'échelle du problème posé, et le coût serait de toute façon très élevé. Il en est de même du "power-to-gaz". Lire l'étude de G.Sapy sur SLC. Les "solutions" au problème du stockage des ELRi sont légion, mais pour l'instant c'est le concours Lépine, et leurs performances ne sont généralement pas sérieusement quantifiées
Quelles que soient les "solutions", leur coût est à évaluer soigneusement , et il s'ajoutera à celui du parc éolien ou solaire, augmentant ainsi considérablement le coût de l'électricité produite.
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