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En quoi l’éolien est-il en retard en France ?

Marcel BOITEUX
  • Electricité
  • Eolien et solaire

 

Marcel BOITEUX : En quoi l’éolien est-il en retard en France ?

 

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L’énergie éolienne, comme l’énergie solaire, étaient autrefois qualifiées d’énergies gratuites : elles sont fournies par la Nature et il « suffit » de les capter. Mais le charbon aussi est un produit de la Nature, et il suffit d’aller le chercher dans des sous-sols plus ou moins profonds. En fait, extraire, capter sont des activités coûteuses, et l’expérience montre malheureusement qu’il n’y a pas plus onéreux que les énergies gratuites.

D’autant qu’aux coûts marchands d’extraction ou de captage s’ajoutent des nuisances, bien connues pour le charbon, mais de plus en plus évidentes pour les éoliennes : nuisances sonores, nuisances esthétiques. La contribution des éoliennes à la satisfaction des besoins de nos contemporains justifie-t-elle les nuisances dont elles sont responsables ?

Le défaut majeur des éoliennes, c’est qu’on ne peut compter sur elles. Pas d’électricité quand le vent est trop faible, rien non plus quand il est trop fort, car il faut mettre les pales « en drapeau » pour éviter que le vent les arrache. Dès lors, quand on vient vous expliquer que le prix de revient du KWh éolien n’est guère plus élevé que ce que vous coûte en moyenne le kWh domestique livré par EDF à votre domicile, lorsqu’on vous assure qu’avec un petit parc d’éoliennes on produira autant de KWh qu’en consomme la ville de Bordeaux, la question qui se pose est d’une limpide clarté : a-t-on affaire à un béotien ou à un imposteur intéressé ?

Si les bordelais acceptent de rester dans le noir pendant les trois quarts du temps, quitte à consommer quatre fois plus que leurs besoins habituels quand le vent souffle, le propos est certes valable. Sinon, il faut prendre conscience de ce que le raccordement d’une éolienne au réseau implique la construction parallèle d’un morceau de centrale EDF de même débit pour remplacer l’éolienne quand le vent n’est pas bon. Et comme il n’y a pas de vent dans les situations anticycloniques de grand froid, les éoliennes se substituent bien moins en France aux centrales à fuel ou à charbon auxquelles il faut faire appel lors des pointes de froid, qu’à la production des centrales nucléaires : d’où suit qu’on économise surtout de l’uranium, beaucoup moins coûteux que le fuel ou le charbon, et très peu d’émissions de gaz carbonique.

Il est clair, cela étant, que si le KWh éolien était payé au service rendu – remplacer des KWh nucléaires et, de temps à autre, des KWh pétroliers – les éoliennes appartiendraient encore au secteur des énergies futuristes. Mais le parlement et/ou le gouvernement ont décidé au nom du peuple souverain que le KWh éolien, qui coûte à son fournisseur environ deux fois plus cher qu’il ne rapporte à EDF, serait payé au dit fournisseur trois fois plus cher (au moins pendant quelques années). D’où l’énorme pression des candidats producteurs – de plus en plus souvent à capitaux étrangers – qui brûlent de profiter de cette manne, et les moyens abondants dont disposent les propagandistes de l’éolien pour abuser de la confiance du public. Car il faut l’avoir vécu pour bien saisir ce qu’implique le caractère rigoureusement non stockable du KWh électrique : même parmi ceux qui croient finalement l’avoir compris – notamment à Bruxelles – peu nombreux sont les quelques spécialistes capables d’en tirer toutes les conséquences.

Faut-il pour autant renoncer définitivement aux éoliennes ? Si, comme ce fut le cas pour le nucléaire avec la fission de l’atome, une découverte fondamentale ouvrait un champ nouveau à la captation de l’énergie éolienne, la question se poserait d’y consacrer beaucoup d’argent pour exploiter le plus vite possible le domaine encore vierge ainsi offert à l’humanité. Mais comme rien de tel n’a eu lieu jusqu’ici, il faut se contenter, en attendant, de vivre au rythme du progrès général des techniques et des matériaux, pas à pas, une année après l’autre, et considérer qu’on en est encore au stade de la recherche-développement. Pour concrétiser les progrès enregistrés, et conserver des équipes motivées, il est concevable de construire de temps en temps une nouvelle éolienne, subventionnée. Mais c’est pur gaspillage que d’en construire plusieurs identiques pour profiter d’un effet de série. Car, tant que la production en série reste économiquement déficitaire, on ne fait que réduire le déficit unitaire tout en augmentant le déficit total.

Moralité : le développement actuel des éoliennes doit trouver une autre justification qu’économique ou écologique. Embellir le paysage ? Ce semble être un avis non partagé…”

Photo : éoliennes en Hollande, M Nota

Texte repris du site du Groupe de réflexion Académies et Conseil Economique et Social avec l’autorisation de l’auteur.

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