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Réponse de l'IED au point de vue de J.L. Basdevant : « Pourquoi Fessenheim doit être stoppée ? »

  • Publié le 18 avril 2013
SLC

Courrier pour "Les échos", envoyé par

Institut Energie et Développement (IED) 15 rue Kléber 93512 Montreuil Cedex

 

Le Professeur J.L. Basdevant a exprimé un point de vue dans l’édition du 26 mars 2013 du journal « Les Echos » intitulé « Pourquoi Fessenheim doit être stoppé ? ». Sa teneur suscite un certain nombre de commentaires de la part du groupe d’experts de l’Institut Energie et Développement qui a expertisé cette centrale et dont on trouvera les références* du rapport ci-après. On doit au préalable noter que le professeur Basdevant n’a pas repris un certain nombre d’inexactitudes figurant dans son interview du 7 mars au journal « l’Alsace » concernant notamment le temps de percement du radier par le corium (magma métal-combustible en fusion) et la surface d’étalement de celui-ci sur le radier.

S’il est exact de dire que certains accidents graves n’ont pas été considérés à la conception initiale, il faut par contre noter qu’à chaque visite décennale, un réexamen de sûreté prend en compte, entre autres éléments et sous le contrôle de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), le retour d’expérience international. Ces examens successifs ont conduit à une remise à niveau se traduisant à la fois par des modifications matérielles et par des modifications de procédures de conduite.

Les études de conception du réacteur ont en effet permis de définir des systèmes pour parer aux conséquences des accidents graves avec fusion du coeur (bâches, circuits). Il n’a en effet pas échappé aux concepteurs qu’il fallait continuer après arrêt du réacteur à dissiper la puissance produite. C’est la raison pour laquelle, outre le refroidissement normal par le fleuve via deux circuits intermédiaires, des réservoirs d’eau très importants sont prévus pour assurer ce refroidissement de façon autonome, pendant une grande durée. On notera que les dispositifs de pompage de secours fonctionnent sans source d’électricité (turbo-pompe alimentée par la vapeur résultant de l’échauffement) et que les transferts d’eau entre réservoirs sont assurés de façon gravitaire. Il n’y a aucun rejet d’eau contaminée par ce refroidissement qui conduit à une émission vapeur d’un circuit totalement disjoint du réacteur.

Dans le cas de Fukushima, il n’y a eu aucune défaillance initiale, mais ce sont des phénomènes naturels d’ampleur exceptionnelle qui ont conduit à un état d’accident grave. C’est la raison pour laquelle, après cet accident, l’ASN a demandé que, pour l’ensemble des sites, les installations soient dotées de moyens leur permettant de faire face à la fois à un cumul de phénomènes naturels d’ampleur exceptionnelle surpassant les phénomènes retenus lors de la conception, et à des situations d’accident grave consécutives à la perte prolongée des sources électriques et des capacités de refroidissement.

Les principales modifications seront mises en oeuvre sur l’ensemble des centrales d’ici 2020.

En particulier, la création d’une source froide de secours par pompage dans la nappe phréatique qui, eu égard à sa conception, ne permet pas aux produits radioactifs de pénétrer librement dans cette nappe, sachant, de plus, que le circuit de pompage n’est pas connecté à un circuit contaminé. Le Professeur Basdevant doit en effet savoir (du moins nous l’espérons) que les centrales Françaises sont de type « PWR » et non BWR comme Fukushima et que le refroidissement du coeur et l’émission de vapeur correspondante se font par un circuit disjoint du circuit primaire, dit circuit secondaire, et donc non contaminé.

En ce qui concerne le risque d’inondation évoqué, les propos du Professeur Basdevant sont totalement irréalistes voire fantaisistes. Il indiquait dans le journal « l’Alsace » une falaise d’eau déferlante de plus de 12m. En effet, le retour d’expérience international sur les ouvrages hydrauliques soumis à des séismes montre que les dégâts concernant les barrages et digues restent limités à des fissures ou tassements (cf. données du Comité International des Grands Barrages).

Concernant l’épaisseur actuelle du radier au niveau du puits de cuve qui est de 1,5m, la cinétique de percement par le corium serait proche de 24 heures, ce qui ne laisserait, malgré tout, pas un temps suffisant pour déployer l’ensemble des mesures de protection des populations. C’est la raison pour laquelle EDF, à la demande de l’ASN, a proposé de l’épaissir de 50 cm dans le puits de cuve, ce qui apporte d’après les études de l’IRSN (Institut de Radio-protection et de Sécurité Nucléaire) un bénéfice important de 44 h sur le temps de percement. On note en effet que cette sur-épaisseur du radier permet de se rapprocher de celle des radiers des autres centrales nucléaires françaises.

En conclusion, le Professeur Basdevant essaye de démontrer la nécessité d’arrêter Fessenheim par des arguments techniques dont on sait qu’ils n’ont pas été retenus par les experts de la sûreté. Dans l’article du journal « l’Alsace », il met d’ailleurs en cause le lobby nucléaire et la caste des ingénieurs faisant peu de cas de la compétence, de l’indépendance et de l’éthique dont chacun d’entre eux est porteur. On aurait souhaité un peu plus d’humilité vis à vis du Directeur général de la Sûreté Nucléaire, des ingénieurs et scientifiques de l'ASN, de l'IRSN et des équipes d'ingénierie d'EDF et d’Areva.

 

* Expertise technico-économique sur le maintien en fonctionnement de Fessenheim (Novembre 2012) Institut Energie et Développement - Fabre Claude - Gouriou Alain - Lucas Jean-Claude - Martin Alain - Pascaud Bernard - Poizat François - Salles Bernard - Sureau Henri - Touret Jean-Pierre (accessible sur www.cceedfsa.fr)

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