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Maîtriser le nucléaire

  • Publié le 13 décembre 2012
Jean-Louis Basdevant

Notes de lecture par Philippe Hansen, suralt

Maîtriser le nucléaire

de Jean-Louis Basdevant

                Eyrolles

L’auteur est présenté comme un éminent physicien, Jean-Louis Basdevant est en effet un ancien élève de l’école Normale Supérieure et il fut par la suite professeur de mécanique quantique à l’École Polytechnique de 1975 à 2005. Après Fukushima, il avoue avoir passé 9 mois à étudier le nucléaire et en être sorti épuisé. La mécanique quantique est une partie spécifique de la physique, un peu abstraite, indépendante des sciences nucléaires qui requièrent de la neutronique, l’étude des transferts thermiques et des matériaux. Jean-Louis Basdevant va-t-il apporter un regard neuf ? On pense alors que Monique Séné ne sera plus seule, que l’on va pouvoir entrer dans les débats de fond avec quelqu’un de sérieux.

Mais, après avoir lu son livre, on remarque que Jean-Louis Basdevant n’a fait que recopier des sources secondaires. L’auteur n’a présenté aucun calcul personnel de criticité ou de transferts thermiques. Son livre est une description simplifiée du nucléaire, une sorte de le nucléaire pour les nuls. Un livre clairement écrit qui reprend parfois des informations antinucléaires, comme par exemple le testament Legassov qu’il va chercher dans le site très critiquable : www.dissident-media.org. Et tout cela sans aucune analyse. Avec les deux calculs que nous livrerons plus bas, il y aura plus d’analyse personnelle que dans tout le livre.

Lorsqu’un spécialiste de la mécanique quantique découvre l’accident de dimensionnement.

Jean-Louis Basdevant rencontre le problème psychologique que partagent nombre de nos contemporains, baignés dans le discours antinucléaire : il craint l’accident qui pourrait arriver sur un de nos réacteurs : la fusion de cœur. Il n’hésite pas à noircir le tableau : à Fukushima, le corium aurait percé le radier : pourtant l’arrêt à froid a été établi dès décembre 2011. La nappe phréatique serait contaminée sur 10 000 km2 ; par quels isotopes ? de combien de becquerels ? On ne le saura pas. Pourtant, si cela était vrai, on devrait avoir mesuré quelque chose dans l’eau du robinet à une centaine de kilomètres de Fukushima.

Pas de panique

Jean-Louis Basdevant s’inquiète de l’épaisseur des radiers, en particulier de ceux de la centrale de Fessenheim. C’est en effet un point sensible. Alors qu’il rééditait son livre, on savait dès février 2012, qu’il était prévu d’ajouter 50 cm au radier de cette centrale pour que le corium puisse s’étaler sur 80 m2. Or sur 80 m2 un corps noir à 1700°C peut évacuer 70 MW par rayonnement, une valeur supérieure à la puissance résiduelle.

Où l’on voit que Jean-Louis Basdevant n’est vraiment pas un spécialiste du nucléaire

Pour quiconque s’intéresse un peu nucléaire, les problèmes de sécurité sont primordiaux et comme le fait remarquer Jean-Louis Basdevant la source possible d’un accident est le défaut de refroidissement. Voilà comme est présenté le besoin de refroidissement dans son livre page 105 : 17 m3 par seconde.

Maintenant observons la puissance à évacuer sur la majorité de nos réacteurs : 200 MW à l’arrêt, 40 MW au bout d’une heure et 12 MW au bout de 8 jours. En injectant de l’eau à 20°C et en récupérant de l’eau du circuit primaire à 300°C (150 bars), l’enthalpie massique décroît alors de 1300kJ/kg et il faut respectivement 150 kg/s, 30 kg/s et 10 kg/s.

Jean-Louis Basdevant a donc surestimé la difficulté du refroidissement à l’arrêt d’un facteur 100 à 1000. Et encore, même si les circuits de refroidissement à l’arrêt étaient inopérants, comme ce fut le cas au Blayais, il serait encore possible de refroidir le cœur par les générateurs de vapeurs, l’eau du circuit primaire s’y écoule dans le sens de la convection naturelle.

On passe donc d’une valeur énorme à une valeur que l’on peut envisager en toute circonstance, les centrales disposant de réserves d’eau de l’ordre de 1000 m3 aussi bien pour les circuits de refroidissement à l’arrêt et que pour le refroidissement possible par les générateurs de vapeur.

Contrairement à ce qu’a laissé penser le sous-titre de son livre : « sortir du nucléaire après Fukushima » Jean-Louis Basdevant n’est pas pas favorable à une sortie du nucléaire, il souhaiterait passer à la génération suivante de réacteurs. Seulement ce qu’a oublié ce “spécialiste”, c’est qu’il faut accumuler de l’uranium 233 à l’aide des réacteurs actuels pour lancer la génération suivante ou des réacteurs CANDU pour produire le tritium nécessaire aux réacteurs de fusion.

Enfin Jean-Louis Basdevant semble inconscient des conséquences d’un abandon des réacteurs actuels, qui entraînerait, un surcoût supérieur à 750 milliards d’euros. Surcoût qui nous ferait subir un chaos économique dans la crise pétrolière qui débute, avec en prime une émission supplémentaire de plusieurs milliards de tonnes de CO2.

Peut-on se permettre d’exprimer une crainte sur les réacteurs actuels sans comprendre leur refroidissement ? Peut-on écrire une critique du nucléaire actuel sans se soucier de la gestion de la matière fissile ? Peut-on réclamer la fermeture de réacteurs sans envisager les conséquences socio-économiques ?

Qui pourra encore cacher les progrès du nucléaire lors de ces dernières décennies : bilans sanitaires favorables , sécurité renforcée des réacteurs existants, nouveaux réacteurs à sûreté passive, incinérateurs pilotés par des faisceaux de particules, réacteurs à neutrons rapides, retraitement vitrification stockage géologique profond, extraction de l’uranium de l’eau de mer, thorium, etc... ?

Références