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L’accident de Fukushima et ses conséquences : faits, explications et commentaires

  • Publié le 10 mars 2012
SLC

L’accident de Fukushima et ses conséquences : faits, explications et commentaires

Un document de synthèse de la Société Française d’Energie Nucléaire – SFEN –

 

Paris, le 6 mars 2012

Ce document résume et analyse – en 12 « Questions/Réponses » -  les données principales disponibles à ce jour sur l’accident de la centrale nucléaire japonaise de Fukushima-Daiichi, son déroulement, son impact environnemental et sanitaire, les actions entreprises  pour la réhabilitation des zones contaminées et le retour des populations évacuées.  Il évoque aussi les initiatives engagées  en France, pour évaluer la  sûreté des  installations nucléaires à la lumière des premiers enseignements tirés de l’accident.   Des Annexes sur la radioactivité et les effets des rayonnements ionisants complètent  ce document.

Contact : Francis Sorin : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.. -  Site internet : www.sfen.org   

 

1/ Où en est-on de l’accident aujourd’hui ? La situation est-elle maîtrisée ?

On peut considérer que depuis la fin de l’année dernière la situation est  maîtrisée sur le site.  Comme l’a confirmé  officiellement le Premier Ministre japonais, les réacteurs sont à présent dans un état d’ « arrêt à froid ». Cela   signifie que le refroidissement correctement rétabli des installations permet de maintenir la température des cœurs des réacteurs accidentés en-dessous de 100° C. Cette situation doit écarter tout risque de nouvelle séquence accidentelle car c’est la chaleur résiduelle produite dans le cœur des réacteurs – après l’arrêt de la réaction en chaîne – par les désintégrations radioactives au sein des éléments combustibles qui a été la cause du développement de l’accident. 

Dans le réacteur 1,le cœur a probablement fondu en totalité et traversé le fond de la cuve pour descendre sur le « plancher » en béton à l’intérieur de l’enceinte de confinement.  Selon TEPCO, il pourrait avoir attaqué ce béton sur une épaisseur de 80 cm, sachant que celui-ci a une épaisseur de 1m90 et que l’enceinte elle-même repose sur un « radier » en béton de 8 m d’épaisseur.

Dans les réacteurs 2 et 3,une partie seulement du cœur semble avoir fondu et il n’est pas certain que la partie fondue soit largement sortie de la cuve.  En revanche, l’enceinte de confinement du réacteur 2 n’est plus étanche.

Comme il n’est pas encore possible d’aller voir sur place, ces estimations se fondent sur des calculs de simulation corroborés par les mesures régulières de température effectuées dans les cuves et les enceintes de confinement des trois réacteurs

Dans les trois réacteurs,l’ensemble des cœurs et de leurs débris est maintenant refroidi régulièrement de façon stable et, même en cas d’interruption prolongée du refroidissement, on ne craint pas une remise en fusion qui provoquerait de nouveaux relâchements significatifs de vapeur radioactive.

Quant au combustible uséentreposé dans la piscine du réacteur 4, qui avait suscité des inquiétudes dans les premiers jours de l’accident, les mesures effectuées et les inspections télévisuelles réalisées indiquent qu’il est intact, et la piscine elle-même a été solidement renforcée.

Cela dit, si l’on peut estimer que la situation est maîtrisée, le retour à la normale n’est pas encore acquis.Les cuves et les enceintes des réacteurs ont perdu par endroits leur étanchéité  ce qui peut entraîner des rejets diffus de radioactivité. Outre la nécessité de maintenir un refroidissement correct, des structures de protection vont être édifiées autour des réacteurs pour éviter ces fuites. Il faudra aussi réparer et renforcer les piscines accueillant le combustible, assainir le site et  préparer le démantèlement.  Le vrai nettoyage commence…

 

2/ Que s’est-il passé ce 11 mars 2011 ?  Quelles furent les causes de l’accident et son déroulement ?

Le 11 mars 2011 à 14h46 (heure locale), un tremblement de terre d’une extrême violence, le plus puissant jamais enregistré au Japon – magnitude 8,9 sur l’échelle de Richter -  a secoué la côte nord-est de l’île de Honshu.  Son épicentre était situé au large de la ville de Sendai.  En plus des dégâts directs, le séisme a provoqué un tsunami, suite de vagues se déplaçant à très grande vitesse et atteignant une grande hauteur à proximité de la côte, où la profondeur de l’océan diminue rapidement.  La plus grande des vagues, arrivée environ 40 minutes après le séisme, atteignait par endroits plus de 14 mètres de haut ! C’est une hauteur de cet ordre qui a été évaluée concernant la vague ayant déferlé sur le site de la centrale de Fukushima-Daiichi.

Séisme et tsunami ont dévasté environ 400  km de côte sur une profondeur de plusieurs kilomètres, causant plus de 20 000 morts et disparus, 6000 blessés et transformant la région en no-man’s land marécageux. Près de 130 000 bâtiments ont été détruits ou gravement endommagés, routes et aéroports ont été rendus impraticables, l’eau et l’électricité durablement coupées.

14 réacteurs nucléaires sur 4 sites différents ont été agresséspar cette succession de catastrophes naturelles et 3 d’entre eux, les tranches 1 à 3 de la centrale Fukushima Daiichi, qui en comportait 6, sont entrés en accident grave, avec fusion du cœur et relâchement très important de radioactivité, comme suite aux dommages engendrés par le tsunami sur les systèmes de refroidissement et de secours.

Le séisme a déclenché l’arrêt d’urgence automatique  des réacteurs 1 à 3(les 3 autres étaient déjà en arrêt programmé) et la destruction des lignes à haute tension qui reliaient la centrale au réseau électrique.  Les (13) générateurs diesel de secours ont démarré, les systèmes de refroidissement conçus pour ces cas ont normalement fonctionné et les opérateurs ont appliqué les procédures prévues. En effet, après l’arrêt des fissions dans le cœur d’un réacteur nucléaire, les éléments radioactifs contenus dans le combustible se désintègrent en dégageant une « chaleur résiduelle » qu’il faut absolument continuer à évacuer en maintenant une circulation d’eau de refroidissement.

A 15h41, la plus grande des vagues a submergé le site de Fukushima Daiichi,noyant sous plus de 5 mètres d’eau la plateforme où les réacteurs 1 à 4 étaient installés.  Diesels et tableaux électriques ont disjoncté, les réservoirs de fuel ont été balayés et les entrées d’eau de refroidissement plus ou moins obstruées : ces réacteurs ont perdu l’accès à l’eau et les moyens de la pomper.  Un des 3 diesels et les tableaux électriques alimentant les tranches 5 et 6, surélevées par rapport aux autres, a survécu et permis de sauver ces réacteurs.

Dans les heures et les jours qui ont suivi,faute de pouvoir évacuer correctement la chaleur résiduelle, les tranches 1, 3 et 2 ont subi successivement la même séquence accidentelle, schématisée ci-après :

·         Evaporationde l’eau dans le cœur (faute du refroidissement empêchant la montée de la température)  et dénoyage progressif  des assemblages combustibles,

·         Fissuration des gaines métalliques du combustible et relâchement dans la vapeur des éléments radioactifs gazeux et volatils (Krypton, Iode, Césium),

·         Oxydationbrutale des gaines par la vapeur d’eau, avec production massive d’hydrogène

·         Surpressiondans la cuve du réacteur. Pour éviter une détérioration de la cuve, décision de décompression  en laissant échapper la vapeur vers l’enceinte de confinement qui l’entoure. Des décompressions volontaires de cette enceinte, via un dispositif d’éventage,  sont à leur tour  décidées pour éviter là encore des surpressions pouvant conduire à l’endommagement de l’enveloppe . Grande quantité de vapeur, radioactivité et hydrogène trouvent ainsi un chemin vers le hall abritant l’ensemble de l’installation. L’hydrogène s’y accumule en fortes concentrations.

·         Explosion d’hydrogène, soufflant le haut des bâtiments 1, 3 et 4 (l’hydrogène qui a explosé dans le réacteur 4 venait du réacteur 3, les deux étant reliés à la même cheminée). Il faut bien noter que ce ne sont pas les enceintes de confinement qui ont explosé (et encore moins les cuves des réacteurs) mais des bâtiments de type hall industriel, de structure relativement légère, abritant l’ensemble de l’installation.   

·         Fusion du cœur,éventuellement suivie par le  transpercement de la cuve et par le début d’attaque du béton du « plancher »  du bâtiment, par le cœur en fusion (corium).

·         Les explosions d’hydrogène ont grandement affecté les tentatives de sauvegarde des réacteurs, en détruisant les générateurs électriques et les moyens de pompage mobiles,  en obligeant à l’évacuation du site, en dispersant des matières radioactives autour des bâtiments.

Soit par surpression, soit par explosion d’hydrogène, soit par une autre cause, une défaillance de l’enceinte de confinement du réacteur 2 est apparue. Ce réacteur a ainsi, selon toute probabilité, causé la très grande majorité des rejets radioactifs de la centrale de Fukushima-Daichi. 

*Les explosions d’hydrogène, retransmises en boucle sur toutes les chaînes de télévision ont été très spectaculaires. Au vu de ces séquences impressionnantes le public a du mal à croire que ces explosions n’ont pas fait de victimes. Cela s’explique par le fait qu’il n’y avait personne à proximité immédiate des bâtiments. Avertis des risques d’explosion, les personnels présents  sur le site se sont tenus à distance des halls abritant les réacteurs. 

 

3/ Y-a-t-il eu des erreurs dans la conception/protection des réacteurs qui expliquent l’accident ?

Il y a manifestement eu sous-estimation de la hauteur de vague qu’un tsunami risquait de provoquer sur le site de Fukushima Daiichi : digue limitée à 6m50 et plateforme basse sur l’eau.

Il est aussi manifeste que la protection des diesels, des tableaux électriques et des réservoirs de fuels s’est révélée très insuffisante : un seul diesel survivant a sauvé les tranches 5 et 6.

On peut noter également l’inefficacité ou l’absence de systèmes destinés à gérer le risque hydrogène (systèmes d’évacuation, filtres, recombineurs...)

On peut aussi se rappeler que le modèle de réacteur implanté à Fukushima Daiichi (unités 1 à 5) a une enceinte de confinement complexe et critiquée à son origine aux Etats-Unis. Il s’agit d’un des premiers modèles de réacteurs dits « à eau bouillante », Mark 1, conçu dans les années 1960. Les réacteurs accidentés de Fukushima ont été mis en service entre 1970 et 1974. Concepteur de ces premiers réacteurs à eau bouillante, le groupe General Electric en a modifié le design  dans ses modèles suivants.

Avant Fukushima deux autres accidents nucléaires ont marqué les mémoires. Ils ont affecté deux autres types de réacteurs : réacteur de type à eau sous pression (REP) en 1979, aux Etats-Unis, à la centrale de Three Mile Island ;  réacteur de type RBMK, en 1986, en Union Soviétique, à la centrale de Tchernobyl.

Dans chacun des trois cas la séquence accidentelle a abouti à une fusion plus ou moins complète du cœur mais il est intéressant de noter que les conséquences de l’accident n’ont pas été les mêmes.

Rappelons ici brièvement, pour établir les comparaisons, les données relatives à Tchernobyl et à Three Mile Island  (celles concernant Fukushima étant développées dans le présent document) :

A Tchernobyl,  ( type RBMK, à tubes de force modéré au graphite) le cœur du réacteur, détérioré suite à une explosion, s'est retrouvé à l'air libre. Il n'y avait pas d'enceinte globale de confinement ! La quasi-totalité des éléments radioactifs dans le cœur ont  été propulsés dans l'atmosphère par un incendie d'une grande  virulence, qui était alimenté par les masses  de graphite utilisées dans les réacteurs RBMK pour modérer la réaction en chaine. C'est cet incendie qui a propulsé à des kilomètres de hauteur dans l'atmosphère les éléments radioactifs du cœur et qui a causé ce qui est resté connu sous le nom de « nuage de Tchernobyl », qui à dérivé autour de la planète.  
A Three Mile Island  (type à eau sous pression, modéré et refroidi à l’eau ordinaire = c’est le type de réacteur en service en France, décliné à différents niveaux de puissance – et le type le plus répandu dans le monde)le cœur s'est trouvé en fusion suite à un défaut de refroidissement mais l'enceinte de confinement  ( beaucoup plus grande et résistante sur les REP que celle des réacteurs de Fukushima) a joué son rôle de barrière. Elle a empêché les produits radioactifs de s'échapper vers l'extérieur. Il y a eu des rejets dans l'atmosphère, déclenchés pour faire diminuer la pression à l’intérieur de l’enceinte. Mais ils étaient très faibles, et non significatifs pour l'environnement. Rappelons qu'il n'y a pas eu de morts, pas de blessés, pas de personnes contaminées.

 

4/ Quelles mesures ont été prises dans l’immédiat pour protéger les populations et pour circonscrire l’accident ?

D’abord, dans toute la région, le séisme a été suivi d’une alerte à un tsunami possible : beaucoup de Japonais se sont réfugiés sur des collines, ce qui explique le relativement faible nombre de morts, comparé à celui du tsunami de Banda Aceh, par exemple.

Mesures d’évacuation

•        Dès le 12 mars, les autorités japonaises ont fait évacuer la zone comprise dans un rayon de 20 km autour de la centrale.  Cette opération, qui a concerné environ 80 000 personnes, est intervenue dans les délais requis ( contrairement à ce qui s’était passé à Tchernobyl où les évacuations sont intervenues avec retard). La décision des autorités japonaises a été un facteur important permettant dans l’ensemble de limiter  l’exposition des populations à la radioactivité relâchée par la centrale (voir les  Annexes sur la radioactivité et les rayonnements).  La zone évacuée a été déclarée zone interdite le 22 Avril.

•        Le 15 mars, instruction aux habitants de la zone comprise entre 20 et 30 km de rester calfeutrés chez eux, puis, le 22 avril, instruction de se préparer à évacuer la zone, mais instruction levée le 30 septembre.

•        Le 22 Avril, conseil d’évacuation volontairedans une langue de terre contaminée, dans le Nord-Ouest de la centrale, entre 20 et 50 km.

•        Il a été question de distribution de pastilles d’iode dans certaines localités mais les informations sur ce point ne sont guère précises.

Mesures complémentaires

Ces mesures concernent  principalement des restrictions alimentaires  ainsi que des opérations d’évacuation localisées et de décontamination :

·         17 mars: Adoption de valeurs provisoires pour les aliments etl’eau de boisson

•        19 mars: Restriction de l’usage de l’eau de boisson

•        21 mars: Restriction de la consommation des légumes et du lait

•        5 avril: Restriction de la consommation des produits de la pêche

•        10 avril: Décision d’évacuer les personnes dans les zonesaffectées si la dose annuelle prévisionnelle est > 20 mSv/an

•        19 avril: Décision de décontaminer les écoles

•        22 avril: Restriction de la consommation du riz

•        3 juin: Lancement du programme de décontamination

•        4 août : Projet concernant la levée des mesures d’urgence (20 mSv/an + optimisation + objectif de 1 mSv/an à long terme)

•        30 septembre: Fin de la mesure d’évacuation de la zone des 20-30 km

•        En préparation: Fin de la mesure d’évacuation de la zone des 20 km

Circonscrire l’accident : mesures immédiates :

Sur le site, la compagnie exploitante TEPCO  a entrepris de mettre en œuvre la décontamination des effluents, la couverture des bâtiments (seul le 1 est terminé) et la construction d’un mur semi-enterré pour arrêter les fuites radioactives en mer. D’autres opérations sont envisagées à plus long terme (voir question n°5)

 

5/ Quel bilan peut-on faire des dommages sur l’environnement terrestre et marin ?

Contamination terrestre

Dans les premiers jours, le vent a poussé vers l’Océan Pacifique les panaches radioactifs.  Ce n’est que dans la nuit du 15 au 16 que les vents ont tourné et causé la contamination des terres dans la direction nord ouest de la centrale, sur une longueur de 50 km environ et  une largeur variant de 5 à 10 km. Comme le montre le tableau ci-dessous, la zone contaminée ne comporte qu’une relativement faible surface habitée en continu, l’essentiel est couvert de forêts, difficiles à décontaminer mais inhabitées.

 

Surface contaminée en km2  (source AIEA)

 

Dose > 20 mSv/an

Dose 5 - 20 mSv/an

Total

Zone habitée

Routes

Zone agricole

Forêts

Autres

10

4

88

408

5

41

9

261

935

18

51

13

349

1343

23

Total

515

1263

1778

 

Un an après l’accident, la contamination résiduelle de l’environnement terrestre semble globalement bien caractérisée ; elle a fortement diminué et on enregistre une quasi disparition des radionucléides à vie courte. En fait les risques les plus élevés entraînés par cette pollution environnementale  -pour la population et l’alimentation – se sont concentrés sur le premier mois suivant l’accident.

L’essentiel de la contamination de l’environnement est due au césium :  environ  600 km2 à plus de 600 kBq/m2 de césium 137, dont plus de la moitié dans la zone des 20 km ( contre 13 000 km2 autour de Tchernobyl, pour donner un ordre de comparaison).Cette contamination  va entraîner un impact durable dans les territoires les plus touchés s’ils ne font pas l’objet d’opérations de décontamination. De telles opérations de décontamination   peuvent se révéler efficaces pour des bâtiments et leur périphérie, ainsi quepour des terres agricoles mais seront beaucoup plus difficiles dans des milieux naturels comme les forêts. 

Nappes phréatiques

Dans cette région les nappes phréatiques sont profondes ; elles ne devraient pas être exposées à un risque de contamination à court terme.  Par ailleurs, le sol joue un rôle de filtre et entrave la migration des radionucléides dont la concentration diminue au fil du temps du fait de la décroissance radioactive. Une surveillance est mise en place  par les autorités pour surveiller la qualité des eaux et prendre des mesures de protection en cas de besoin.

Contamination marine

L’eau de mer a été contaminée par deux voies principales : les relâchements atmosphériques et les fuites directes d’eau contaminée, surtout en provenance de la tranche 2. S’y sont ajoutés l’effet des lessivages de sol et de re-dissolution à partir de sédiments contaminés.

La décroissance radioactive a joué son rôle : très vite on ne mesurait plus dans l’eau que les deux isotopes de césium Cs 134 et Cs 137.  Dans le Pacifique, la dilution par les courants a été très efficace Dès octobre 2011, les concentrations de Césium étaient revenues à un niveau normal.

Après deux mois et demi, la concentration de césium dans les palourdes ramassées dans les préfectures de Fukushima et d’Ibaraki était redescendue en-dessous de la norme autorisant la consommation.

Outre la construction d’un mur semi enterré pour éviter les fuites radioactives vers la mer, Tepco a décidé de construire une sorte de plancher sur les fonds marins à proximité immédiate du site. Cela permettra de fixer les particules radioactives et d’éviter leur pénétration dans le sol marin ou  leur dispersion en mer. Cette structure, qui évitera une extension de la contamination marine  sera d’une surface équivalente à celle d’une dizaine de terrains de football. Elle sera répartie en deux espaces, en face des réacteurs accidentés et devant les réacteurs 5 et 6. Les travaux devraient être achevés en mai ou juin prochain.

La contamination oubliée...

On peut être étonné que l’opinion publique et la plupart des médias se focalisent uniquement sur la contamination radioactive alors que les nappes phréatiques les eaux de surface et les sols de toute la région touchée par le tsunami subissentune pollution chimique aux conséquences sanitaires qui apparaissent   beaucoup  plus inquiétantes. En effet,  le tremblement de terre et le tsunami ont détruit des milliers d’installations industrielles, commerciales ou autres, notamment raffinerie,  drogueries, pharmacies, laboratoires médicaux ou de recherche ainsi que les « pharmacies » familiales que l’on trouve pratiquement dans toutes les maisons et logements individuels. Ces destructions ont « libéré » dans l’environnement de grandes quantités  de substances  potentiellement dangereuses, dont certaines puissamment cancérigènes, sans parler des microbes et des virus. Figurent notamment parmi ces polluants des hydrocarbures, différents types de déchets toxiques et  des métaux lourds tels le mercure, le plomb, le cadmium, l’arsenic…dont on connaît les effets délétères virulents. Ces substances peuvent s’imprégner  dans les sols, y compris dans les cultures, circulent dans les eaux de surface et pourront cheminer vers les nappes phréatiques. Certaines ont migré aussi vers la mer lors du reflux des vagues du tsunami et polluent les fonds marins à proximité immédiate des rivages. Contrairement à la radioactivité , qui est facilement détectable à des niveaux infimes, cette pollution chimique n’est pas facilement mesurable et localisable. Et contrairement à la radioactivité qui diminue au fil du temps par décroissance naturelle, ces substances chimiques voient leur toxicité se maintenir au même niveau de façon pérenne, après deux jours, deux mois ou deux siècles.  Concernant les eaux de surface, les eaux souterraines et les terrains agricoles, cette pollution chimique se révèle finalement  plus préoccupante que d’éventuelles élévations des niveaux de radioactivité, au demeurant facilement surveillés et détectés.  Pourtant, il règne aujourd’hui sur cette pollution chimique un silence presque complet. Le gouvernement japonais a certes mobilisé de gros moyens pour y faire face. Mais dans l’indifférence générale, en tout cas en dehors du Japon. Obnubilées par le risque nucléaire,  considéré comme le danger absolu,  nos sociétés européennes ont  tendance à lui imputer l’exclusivité des dommages survenus, et même parfois à lui attribuer des détriments imaginaires, sans mesurer la réalité des autres dangers encourus, parfois bien  plus graves et pressants.

(Quelques spécialistes des questions liées au risque ont évoqué ce sujet : voir notamment l’ article de Michel Llory : « Après le désastre du Japon et de Fukushima : le trou noir des risques chimiques » dans la revue  Préventique – Sécurité n°117, mai-juin 2011 ; voir aussi dans cette même revue, n°119, septembre-octobre 2011, l’article de Michel Turpin : « Fukushima-Daiichi,analyse et premières réflexions ».)          

 

6/ Quelles sont les conséquences de l’accident – et de  la radioactivité rejetée - sur la santé des populations ? Et sur  les personnels intervenant à l’intérieur du  site ?

Il faut noter en premier lieu que l’accident n’a pas fait de mort.

Les six décès survenus sur le site et chez les personnels d’intervention entre mars 2011 et janvier 2012  n’ont pas eu pour cause l’accident de la centrale mais sont dus au tsunami ou à des problèmes de santé particuliers à chacune des personnes décédées.

Les premières évaluations d’ordre  sanitaire ont porté sur les territoires touchés   par les retombées radioactives. Ceux-ci ont été contaminés à des niveaux très hétérogènes correspondant à des doses d’irradiation externe évaluées de 0,2 à 0,3 millisieverts par an  à 20 à 30 millisieverts  avec des zones beaucoup plus localisées où l’irradiation peut dépasser 50 millisieverts/an. Si l’on considère la situation d’un point de vue global, on est ici dans le domaine des faibles doses  ( sachant que la simple radioactivité naturelle peut atteindre ou dépasser 15 àu 20 mSv/an dans de nombreuses régions du monde). En fait, à ces niveaux de dose, jusque vers les 100 à 150 mSv, il n’y a pas d’impact mesurable sur la santé.

Les résultats des premières études portant sur les personnes indiquent des niveaux de doses reçues  limités,en cohérence avec la contamination  des territoires rapportée au paragraphe précédent.

Atitre d’exemple, le tableau ci-dessous est tiré de l’enquête menée par le NIRS, National Institute for Radiological Sciences du Japon sur la population venant de trois villes (Namie, Itate, Kawamata – évacuées postérieurement, à compter du 15 mai ) où les dépôts  radioactifs ont été non négligeables. On constate que les deux tiers des 1589 personnes de l’échantillon ont reçu des doses externes évaluées entre 1 et 2 mSv,  et qu’une dizaine seulement ont reçu des doses entre 10 et 15 mSv, ce qui reste faible.

Par ailleurs, l’enquête sur les doses incorporées durant 5 mois, portant sur près de 10 000 personnes venant des zones impactées, dont 6000 enfants de 4 à 19 ans, révèle des niveaux extrêmement faibles , pratiquement tous estimés  à moins de 1mSv durant la période considérée ( voir autre tableau ci-dessous).

Quant aux enquêtes menées auprès des enfants de 0 à 16 ansen provenance des villes précitées et portant sur des examens thyroïdiens, enquête de l’Université médicale de Fukushima sur 3765 enfants,  elles n’ont mis en évidence aucun cas ayant nécessité la réalisation  d’examens complémentaires.

 

Opinions et évaluations pour le futur

Ces résultats seront suivis par beaucoup d’autres car des enquêtes épidémiologiques de grande ampleur ont été engagées par les autorités japonaises. Les constats faits à ce jour  confortent les spécialistes dans leur opinion selon laquelle l’impact sanitaire de l’accident de Fukushima auprès des populations devrait être limité :

Au Japon, le NIRS, Institut faisant référence  sur les questions liées aux rayonnements ionisants,  a exprimé ce point de vue dès l’année dernière, par la voie d’un de ses responsables, en précisant : « nous ne pensons pas que les radiations au Japon contribueront à la multiplication des risques de cancer et de leucémies ».

L’ONU,par l’intermédiaire de son Comité scientifique sur l’étude des effets des rayonnements ionisants ( UNSCEAR) rejoint l’estimation du NIRS en jugeant que l’impact sanitaire de l’accident parait « relativement restreint ». Cette appréciation est la principale conclusion du séminaire d’une semaine ayant réuni fin janvier 2012 une soixantaine d’experts de toutes nationalités chargés d’évaluer pour le compte de l’ONU les effets sanitaires de l’accident. « Concernant les doses que nous avons enregistrées en examinant les populations, elles sont très faibles » a indiqué le 31 janvier le président de l’UNSCEAR, ajoutant que « cela s’explique en partie par la rapide évacuation qui a très bien fonctionné ».

En France , l’IRSN, soulignant les moyens considérables déployés pour étudier l’impact de l’accident, note que les doses reçues restent dans l’ensemble inférieures à 100 mSv et qu’ « il n’est pas sûr qu’un excès de risque puisse être décelé par les études épidémiologiques ». « Ces études sont néanmoins indispensables pour rassurer les populations » estime l’IRSN.  L’Institut ajoute que « les évacuations devraient avoir considérablement limité les expositions au panache + dépôts radioactifs dans la zone des 20 km et au dépôt dans la zone des 30 km ».

Notons aussi cette opinion émanant de l’Académie des Sciences et exprimée  par trois de ses membres physiciens, MM Balibar, Brechet et Brezin ( tribune dans Libération du 9 février) : « On n’a déploré fort heureusement aucun décès par irradiation. Les données disponibles sur les doses reçues par les intervenants et les populations avoisinantes permettent d’espérer que, même dans le long terme, le nombre de cancers induits par l’exposition aux radiations devrait rester très limité ».

En fait, on peut dire en résumé que  cette évaluation d’un impact sanitaire limité de l’accident de Fukushima auprès des populations repose sur trois principaux facteurs mis en avant par  les études réalisées à ce jour:

-Les évacuations des populations ont été décidées à temps et réalisées dans les délais requis. 

-Les mesures ponctuelles de restriction ou d’interdiction de consommation de certaines denrées alimentaires ont été prises à bon escient.

- Les quantités de radioactivité rejetées, dispersées de façon très hétérogène sur de grandes surfaces, ont induit des irradiations et des contaminations potentielles restant en moyenne en deçà des niveaux correspondant  à de fortes doses.  

     

 

 

 

 

 

 

Conséquences sur le personnel d’intervention

Comme le souligne l’IRSN, les seules informations dont nous disposons sur les doses reçues par les travailleurs sont celles fournies par la société TEPCO (pour les employés de l’entreprise et ceux des sociétés sous-contractantes).  Nous n’avons pas d’information précise sur les autres catégories de travailleurs exposés, pompiers, policiers, employés municipaux.

Dès les premiers instants de l’accident, on a pu noter un management prudent de l’action des techniciens devant travailler en zone radioactive. Les personnels n’ont pas été envoyés « au milieu du danger » comme cela s’est produit à Tchernobyl.

Sur les quelque 19 500 personnesde TEPCO et des sociétés sous-contractantes  venues travailler sur le site ou à ses abords, on ne relève aucun symptôme d’irradiation aigüe. Compte tenu de cette absence d’atteinte au bout d’un an, on peut conclure qu’il n’y a pas eu de fortes irradiations parmi les personnes  intervenant sur le site.  

Il y a eu cependant des expositions assez élevéeschez le personnel de TEPCO.

Du 11 mars au 31décembre 2011:

– 6 travailleurs ont été exposés à plus de 250 mSv (une grande partie de la dose ayant été reçue au mois de mars/avril)

– 167 (dont les 6 précités) ont été exposées à plus de 100 mSv;

La moyenne de l’exposition pour ce groupe « sur site » est évaluée à 23,5 mSv pour les personnels de TEPCO et à 9 mSv pour les sous-contractants.

La dose maximale contactée par un employé de TEPCO est de 678,8O mSv.

Début 2012 ,5970 travailleurs étaient toujours mobilisés sur le site.

Rappelons que la limite d’exposition autorisée pour les personnes appelées à travailler en milieu ionisant, est, en temps normal,  de 20 mSv/an. Lors d’un accident ces limites peuvent être fixées à des niveaux plus élevés afin de permettre une meilleure efficacité de l’action  des professionnels sur le site. C’est ce qui a été temporairement décidé à Fukushima. Un dépassement des limites d’expositions en situation d’urgence a été autorisé de 100 à 250 mSv, de mars à août 2011. C’est ce qui explique les niveaux d’exposition indiqués plus haut. Même si, jusqu’à des niveaux de l’ordre de 100 mSv on reste dans le domaine des faibles doses et même s’il faut dépasser les 500 mSV pour constater  l’apparition éventuelle de symptômes (cela dépend des individus), les doses comprises entre ces niveaux  ne sont pas négligeables et nécessitent  un renforcement du suivi médical.

 

7/ Quelles sont les perspectives pour réhabiliter les territoires contaminés et permettre le retour des populations évacuées ?

*Le gouvernement japonais a engagé un énorme effort de décontaminationdes territoires afin de permettre au plus grand nombre  de personnes évacuées de regagner aussi rapidement qu’il sera possible leurs lieux d’habitation. Depuis le milieu de l’année dernière  de nombreuses opérations de décontamination ont été engagées dans des zones présentant des niveaux de contamination relativement faibles et concernant essentiellement des lieux accueillant les enfants. C’est ainsi qu’à fin 2011 plusieurs centaines d’écoles, et garderies avaient été décontaminées, ainsi que des milliers de maisons individuelles.

*Les règles d’un retour des populations, après décontamination et reconstruction des infrastructures (détruites du fait du séisme et du tsunami), ont été définies à la suite de nouvelles campagnes de mesures effectuées entre novembre et janvier. Les autorités japonaises se sont fixé un objectif très ambitieux (que l’ONU estime excessif) de décontamination du territoire jusqu’à un  niveau  de dose de 1 mSv par an, soit le tiers de la radioactivité naturelle (qui peut être  10 fois ou 20 fois  supérieure dans certaines régions du monde). Selon ces règles les territoires dont les populations ont été évacuées ou confinées temporairement, environ 900 km2, ont été classées en plusieurs  catégories ou « zones »  selon leur niveau de contamination :

* « Zone de préparation au retour », là où l’exposition est comprise entre 1 et 20 millisieverts par an. Cette zone représente près du tiers des territoires évacués. Elle sera décontaminée en priorité pour s’approcher le plus possible d’une exposition de 1 mSv/an et les populations pourront être autorisées à y retourner relativement rapidement…sous réserve, bien entendu que les lieux soient rendus vivables grâce à la remise en état des infrastructures détruites par le séisme et le tsunami.

* « Zone d’habitat limité » ,plus de la moitié des territoires évacués, couvrant les endroits où la dose d’exposition à la radioactivité se situe entre 20 et 50 mSv/an. Les opérations de décontamination seront plus longues, pouvant durer quelques années. Les autorisations de retour seront envisagées lorsque l’exposition aura été ramenée en deçà des 20 mSv/an et se rapprochera des 1 mSv/an.

Quant aux lieux présentant aujourd’hui une radioactivité supérieure à 50 mSv/an ils pourraient être décrétés temporairement inhabitables. Cela ne veut pas dire que des opérations de décontamination n’y seront pas menées, mais elles seront plus difficiles et ne sont pas envisagées dans l’immédiat

A titre de comparaison la Commission des Nations Unies chargée d’évaluer les risques sanitaires des rayonnements estime qu’ils sont imperceptibles sous 100 mSv par an et la dose autorisée pour les travailleurs du nucléaire est de 20 mSv par an. On peut estimer que les règles de retour des populations édictées par les autorités japonaises  - avec notamment l’objectif théorique à rechercher de 1 mSv/an – sont particulièrement prudentes et conservatoires.

Comment décontaminer ?

Les moyens très puissants mis en œuvre  sont multiples et généralement efficaces car le polluant, en quasi-totalité du césium aujourd’hui, a pour caractéristique de peu migrer, on sait donc où il est,  et de ne pas être transféré aisément à beaucoup de produits consommables souterrains (sauf les champignons par exemple) et dans les eaux. Ces moyens sont :

*Pour les lieux de vie,nettoyage et décapage des bâtiments et surfaces artificielles,                          enlèvement de la couche superficielle de terre, qui contient l’essentiel du césium. Priorité aux écoles et autres lieux publics. Surveillance des eaux, très peu contaminées en fait.

·         Pour les surfaces agricoles,enlèvement de la couche superficielle et/ou labourage profond, selon le niveau des dépôts (gain d’un facteur 10 ou plus), et si utile plantation de plantes capables d’extraire le césium du sol. Choix de cultures bénéficiant de transferts racinaires faibles vers la plante.

·         Le traitement des surfaces boisées,nombreuses, est particulièrement difficile. Il n’est pas prioritaire et est  reporté à plus tard.

Les terres et matériaux contaminés seront initialement stockés en  tumulus étanches  pour quelques années (efficacité à court terme), avant transfert dans des stockages centralisés définitifs.

Par ailleurs dans le cadre de l’exploitation des terres agricoles, des normes très strictes on été édictées pour les produits alimentaires, au-delà des normes internationales, avec une surveillance renforcée : la radioactivité ajoutée aux produits alimentaires ne devra pas être supérieure à celle déjà naturellement présente (le potassium 40 naturel).

En termes d’organisation, de moyens techniques, de financement, l’effort engagé par les autorités japonaises pour décontaminer les territoires  est de grande ampleur. Il est vraisemblable qu’il débouchera assez rapidement  sur des résultats positifs et qu’au fil du temps bien des territoires aujourd’hui interdits redeviendront habitables, selon les normes sévères édictées. Cependant, tout en maintenant cette norme  inférieure à 20 mSv pour autoriser  le retour des populations dans les zones évacuées, mais avec un objectif de réduction progressive vers 1mSv, on peut penser que les autorités feront preuve de souplesse dans l’application de cette règle. Car à des niveaux de radioactivité aussi  faibles   le détriment sanitaire évité est pratiquement inexistant – alors que l’éloignement durable de son lieu de vie, l’obligation d’émigrer et de reconstruire sa vie ailleurs peuvent entraîner d’importants dommages sur la santé des individus. Et il ne faudrait pas, comme on l’a constaté dans certains cas à Tchernobyl, que pour éviter un détriment à l’impact non mesurable on favorise des pathologies bien plus graves liées au stress du déracinement.           

 

8/ Comment va s’organiser et se dérouler le démantèlement de la centrale ?

L’exploitant de la centrale à annoncé  avoir achevé la phase de stabilisation de la situation fin 2011. Le très difficile travail d’évacuation des combustibles stockés dans les piscines, de récupération des cœurs fondus et de démantèlement va pouvoir commencer :

1ère phase : Consolidation de la situation

·         Fiabilisation de la réfrigération des cœurs

·         Consolidation des structures vis-à-vis de séismes et typhons futurs, et en particulier des piscines de stockage des combustibles usés

Minimisation des relâchements de radioactivité dans l’environnement

·         Poursuite du traitement des eaux contaminées du bâtiment des turbines et des sous sols des réacteurs

·         Contrôle de l’inventaire des eaux (éviter la production d’eaux contaminées en plus)

·         Fin de l’installation de halls étanches enfermant les trois réacteurs accidentés

·         Construction d’un mur étanche autour du site pour confiner les ruissellements d’eaux internes potentiellement contaminées

·         Evacuation des déchets vers des stockages

2ème phase

·         Traitement de toutes les fuites dans les bâtiments réacteurs et  bâtiments  turbines

·         Evacuation des combustibles usés stockés dans les piscines (à partir de 2014 environ)

·         Evaluation de la configuration et de la localisation des débris des cœurs.

·         Récupération et évacuation des débris de cœurs (à partir de 2022 environ)

·         Démantèlement du site

Il est cependant encore trop tôt pour être capable d’établir des calendriers précis. Il faudra au préalable explorer complètement l’installation, dont de nombreuses parties ne sont pas encore inspectables et dont l’état est plus qu’incertain, avant de préciser les moyens de démantèlement à mettre en œuvre et les délais de réalisation des opérations, qui pourraient durer une trentaine d’années, voire plus.

Précisons que le temps nécessaire au démantèlement de la centrale n’aura aucune conséquence directe sur les  dates auxquelles les habitants évacués pourront retourner chez eux. Les premiers retours pourraient être autorisés  prochainement. 

 

9/ L’accident a-t-il eu des retombées au-delà du Japon ? Et en France ?

Le panache radioactif résultant des rejets des réacteurs nucléaires accidentés de la centrale de Fukushima s'est déplacé, tout en se diluant, dans les courants atmosphériques de l’hémisphère nord. Il a été attentivement suivi par tous les pays et en France par l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) qui en a informé en temps réel  les autorités et la population.

En raison de l’éloignement du Japonles conséquences ont été très faibles dans l’hémisphère nord et aucune mesure de protection des populations ou de limitation de la consommation de produits alimentaires n’a été nécessaire, que ce soit en Amérique du nord ou en Europe.

La contamination marine,forte à proximité, a connu une dilution très importante par les courants marins. Les restrictions concernant les produits de la pêche n’ont été nécessaires que très localement au large de la centrale de Fukushima.

*En ce qui concerne la Francel’IRSN a diffusé en 6 semaines, de mi mars à fin avril, 13 bulletins d’informations présentant les conséquences du panache sur la France. Ces conséquences, prévisionnelles, résultaient au départ de calculs faisant appel à des modèles de transferts atmosphériques, sur la base de prévisions météorologiques. Elles ont ensuite été confirmées par de très nombreuses de mesures sur le terrain faites par l’Institut ou qu’il a collectées auprès de tous les exploitants nucléaires du territoire.

Les mesures, très cohérentes avec les prévisions, ont montré que les concentrations en radionucléides artificiels issus du panache ont été très faibles sur tout le territoire, à la limite du mesurable (de 0,1 à 2 mBq d’Iode et de 0,01 à 0,2 de mBq de césium par mètre cube d’air).

L’impact sur l’eau et les productions alimentairesà été négligeable (moins de quelques Bq/kg très localement et beaucoup moins sur l’essentiel du territoire) par rapport à la radioactivité naturelle présente dans ces produits (facteur 100 environ).

10/ Quels enseignements peuvent être tirés de l’accident et quelles sont les nouvelles mesures de sûreté à mettre en place en France ?

L’accident de Fukushima résulte de circonstances très particulières, propres au Japon et à quelques autres régions du globe : la conjonction d’un séisme majeur et d’un tsunami d’une ampleur exceptionnelle. La centrale s’est trouvée isolée, sans aides possibles et ayant perdu le contrôle de l’essentiel, le moyen de refroidir le cœur des réacteurs. Une centrale voisine, mieux protégée du tsunami n’a pas eu les mêmes problèmes.

Trois enseignements majeurs ressortent de l’analyse de l’accident :

·         On ne peut se satisfaire des seules études historiqueset de calculs de probabilité (le tsunami possible a été dramatiquement sous évalué par les Japonais) pour dimensionner les moyens d’ultime secours des réacteurs,

·         Un secours externe,disponible rapidement et bien équipé, aurait pu limiter considérablement les conséquences de l’accident,

·         Les moyens à mobiliser pour gérer la population voisine, voire rétablir la situation suite à un accident, doivent être préparés dans le détail et consolidés par des exercices : l’action des autorités japonaises de ce point de vue a été remarquable si on tient compte de l’ampleur des destructions et des pertes humaines résultant du séisme et du tsunami, qui ont largement désorganisé le pays.

*La France, comme tous les pays nucléaires, a engagé immédiatement des études complémentaires de sûreté de l’ensemble de ses installations nucléaires. EDF, le CEA et Areva ont présenté dès juillet 2011 leurs analyses et leurs propositions qui ont été évaluées par l’IRSN (Institut de radioprotection et sûreté nucléaire, expert auprès de l’ASN, Autorité de sûreté nucléaire), dont les conclusions et recommandations ont été examinées en novembre par les groupes permanents d’experts de l’ASN, assistés d’experts internationaux. L’ASN, suite à ces 9 mois d’études contradictoires, a émis de nouvelles directives et publié en janvier 2012 un rapport détaillant les conclusions de ces évaluations complémentaires de sûreté.

Une première conclusion indique que le niveau de sûreté des installations nucléaires en France « est suffisant pour ne pas exiger l’arrêt immédiat de l’une d’entre elles ».

 Une autre  conclusion fondamentale est que les installations doivent pouvoir être protégées de tout évènement, même si celui-ci est totalement improbable, afin que soit garantie dans n’importe quelle circonstance une protection satisfaisante de l’environnement :

-       mise en place d’un « noyau dur » permettant d’assurer une robustesse suffisante même dans  des  situations  extrêmes ; ce noyau dur doit garantir dans tous les cas la disponibilité  d’eau de  réfrigération, des moyens de pompage et de  fourniture                         d’électricité le temps nécessaire à l’évacuation de la puissance résiduelle du cœur d’un réacteur accidenté.

-       mise en place d’une Force d’Action Rapide Nucléaire à EDF capable d’intervenir en moins de 24 heures et opérationnelle dès 2014, avec des équipes entraînées et du matériel mobile ;

-       dispositions renforcées visant à réduire les risques de dénoyage du combustible dans les piscines ;

-       études de faisabilité de dispositifs techniques, de type enceinte géotechnique visant à protéger les eaux souterraines et superficielles en cas d’accident grave.

De plus les exploitants nucléaires devront améliorer leurs pratiques dans trois domaines :

-       relève des générations de travailleurs et un bon transfert des connaissances ;

-       interdiction des délégations de sous-traitance pour les interventions importantes pour la sûreté ;

-       renforcement du processus  de  traitement  des  non-conformités détectées dans le cadre de l’exploitation des installations.

En ce qui concerne les agressions potentielles, susceptibles d’affecter un ou tous les réacteurs d’une centrale, l’ASN a demandé à l’IRSN de réévaluer les référentiels de sûreté applicables aux installations nucléaires concernant les séismes, les inondations et les risques liés aux activités industrielles.

Les travaux devront être engagés aussi rapidement que possible à l’occasion des arrêts périodiques et des visites décennales, même si l’ASN estime que les installations présentent un niveau de sûreté satisfaisant aujourd’hui.

 

11/ Comment la  maîtrise du risque nucléaire est-elle organisée en France et nous met-elle  à l’abri d’un accident majeur ?

La géographie française est très différente de celle du Japon et des séismes ou des tsunamis de cette ampleur n’y sont pas envisageables. Mais toute activité industrielle présente un risque qui, faute d’être évité, doit voir ses conséquences réduites au mieux. La situation française doit être examinée de différents points de vue.

L’autorité de sûreté nucléaire  française a vu son rôle considérablement renforcé depuis des années et a acquis une pleine indépendance (Loi TSN : transparence et sécurité  nucléaire).  Elle  dispose aujourd’hui d’une capacité d’expertise, de recherche et d’action unique au monde avec l’IRSN (Institut de recherche en Radioprotection et Sûreté Nucléaire), et d’autres grands centres de recherche. Concernant l’évaluation de la sûreté des installations l’ASN, et c’est encore unique au monde, impose une réévaluation complète de la sûreté de chaque installation tous les dix ans, et impose les renforcements utiles, avant toute autorisation de prolongation de son exploitation.

Les Réacteurs à Eau Pressurisée, les REP, sont robustes... 

Les réacteurs à eau pressurisée REP, en service en France,  sont sensiblement différents des réacteurs à eau bouillante REB de Fukushima. Sur le plan de la sûreté, on peut mentionner notamment : 

 *Enceintes de confinement beaucoup plus grandes, ce qui retarde la séquence accidentelle et donne plus de temps aux opérateurs pour la maîtriser.

*Recombineurs d’hydrogènepour éviter les fortes concentrations pouvant conduire à des  explosions comme à Fukushima.

 *Filtres en sortie des enceintes : cela permet, si  l’on décide de relâcher la pression à l’intérieur de l’enceinte, de piéger les radionucléides présents dans la vapeur évacuée  et donc de diminuer considérablement les quantités de radioactivité rejetée à l’extérieur.

On peut donc estimer que les REP actuellement en service en France  sont plus robustes que les anciens réacteurs de type Fukushima d’autant plus qu’ils ont mieux intégré le retour d’expérience des accidents de Three Mile Island  sur le facteur humain et de Tchernobyl sur la culture de sûreté.

 

La réévaluation des risques pris en compte

Les risques pris en compte dans la conception et lors des examens périodiques de sûretéapparaissent évalués de façon crédible,  qu’il s’agisse, suivant les sites, de séismes (modérés en France), d’inondations (par exemple à la centrale du Blayais suite à une tempête), ou d’agressions externes, industrielles ou autre.

Le renforcement des risques à prendre en compte : ces risques sont régulièrement révisés et pris en compte avec des effets majorants, mais l’accident de Fukushima à montré les limites d’une approche probabiliste et historique des agressions que peut subir un réacteur. On s’oriente, suite aux évaluations complémentaires de sûreté engagées après  l’accident, vers une approche plus déterministe : celle-ci consiste à considérer que l’accident, même très improbable, aura lieu malgré tout.  D’où la constitution d’un « noyau dur » , destiné à conserver les moyens – eau et électricité -  pour refroidir les cœurs des réacteurs en toutes circonstances et la mobilisation à EDF d’une équipe nationale d’intervention pouvant agir immédiatement sur le site.  L’objectif final est d’éviter toute contamination de l’environnement nécessitant des mesures de protection de la population.

L’organisation de crise et de gestion de la population et des territoires autour des centrales: elle existe déjàet fait l’objet d’exercices périodiques, mais elle sera renforcée en fonction des enseignements tirés de Fukushima.

12/ L’accident a-t-il eu des conséquences sur le développement du nucléaire dans le monde ?

Lancement des ECS : Une réaction quasi unanime des pays dotés de centrales nucléaires a été de lancer très tôt après l’accident des évaluations complémentaires de sûreté, ECS, appelées souvent « stress tests » dans l’Union Européenne, pour vérifier comment était prise en compte la robustesse de leurs installations nucléaires face à des agressions naturelles dépassant le niveau qui avait servi au dimensionnement de ces installations, et déterminer au cas par cas les renforcements éventuellement nécessaires.  La plupart de ces ECS ont, depuis, été soumises au verdict des Autorités de Sûreté Nucléaires de chaque pays.  Entre les pays membres de l’Union Européenne, ces verdicts nationaux feront, en plus, l’objet de validations croisées.

Parallèlement à ces réactions que l’on pourrait qualifier de techniques, les réactions politiques ont été  variées d’un pays à l’autre, laissant parfois entendre que le développement du nucléaire au niveau mondial pourrait être stoppé. Dans la réalité, ce développement se poursuit et la décision de l’Allemagne de sortie du nucléaire reste une décision isolée.

On compte en ce début 2012, 67 réacteurs nucléaires en construction dans le monde.Les projections de l’Agence Internationale de l’Energie prévoient pour l’horizon 2035 une hausse d’environ 60% des capacités nucléaires installées, soit 630 GWe. Avant l’accident de Fukushima les projections de l’AIE étaient de 650 GWe à ce même horizon. La comparaison de ces prévisions illustre une opinion qui prévaut aujourd’hui chez les observateurs : Fukushima ne va pas « stopper » le nucléaire, mais simplement freiner le rythme de son développement...

·         En Europe16 pays ont réaffirmé leur intention de poursuivre l’usage de cette énergie : Bulgarie, Espagne, Estonie, Finlande, France, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie et Suède.

·         Le Royaume-Univient en particulier, après Fukushima, d’approuver à une large majorité au parlement les projets de nouveaux réacteurs.

·         L’Allemagneavait déjà décidé dès 2002 d’arrêter tous ses réacteurs d’ici 2022 : elle ne fait que confirmer cette décision.

·         L’Italieadécidé par référendum, suite à Fukushima,  de ne pas relancer son nucléaire.

·         En Belgiqueun plan, qui prévoit une sortie complète du nucléaire d'ici 2025, reste conditionné à ce que le pays puisse s’appuyer sur suffisamment d’autres sources d'énergie.

·         La Suisse,après avoir décidé en mai 2011, suite à l’accident, d’arrêter ses réacteurs à 50 ans, est depuis plus prudente : prolongation peut-être si la sûreté reste bonne, recours éventuel à des réacteurs de 3ème génération si ses ressources propre d’électricité se révélaient insuffisantes. 

Aux Etats-Unis,la NRC vient d’annoncer sonfeu vert à la construction de deux réacteurs, pour la première fois depuis 1978. Deux réacteurs de plus pourraient être autorisés prochainement.  Beaucoup des autres projets américains sont retardés, mais Fukushima n’y est pour rien : c’est le développement phénoménal, et tout récent, de la production de gaz de schiste à bas prix qui obère la compétitivité du nucléaire sur ce continent.

Dans les autres pays du monde, (hors Japon) un important développement du nucléaire se poursuit en Inde, en Chine, en Russie... ; on ne note pas d’annonces de retrait, même si certains projets ont pu être retardés, et on prévoit ( source AIEA)  que cinq nouveaux pays pourraient dès cette année 2012 engager la construction de leur première centrale nucléaire :  Vietnam, Bangladesh, Emirats, Turquie, Belarus.

Quant au Japon,où presque tous les réacteurs nucléaires ont été pour le moment arrêtés, il compense ce manque (équivalent à environ 30% de sa consommation d’électricité) par des économies d’énergie et par une remise en service d’anciennes centrales déclassées brûlant des combustibles fossiles. Cela le conduit à augmenter de 50% ses importations de fioul et de 21% ses importations de gaz (en 2011). Si les réacteurs nucléaires n’étaient pas remis en service, on estime que pour les remplacer, le pays devrait dépenser environ 30 milliards d’euros par an, ce qui aurait bien sûr de fortes répercussions sur le prix de l’électricité.

Dans la réalité 30 pays dans le monde, représentant 4 milliards d’habitants soit plus de la moitié de la population mondiale, ont recours plus ou moins massivement à l’énergie nucléaire, qui pèse presque autant que l’hydraulique dans la production mondiale d’électricité. L’accident de Fukushima n’a pas fait disparaitre les raisons qui militent pour un recours conséquent à cette forme d’énergie : pénurie locale de ressources de combustibles fossiles, crainte d’une hausse des prix et d’une moindre disponibilité de ces combustibles, volonté de préserver le climat, recherche d’une amélioration de l’indépendance énergétique par rapport aux marchés internationaux des hydrocarbures. Toutes ces raisons  expliquent la poursuite du  recours au nucléaire qui continue d’apparaitre aux yeux des décideurs comme une énergie fiable et performante et dont les risques peuvent être correctement maîtrisés si elle est conçue et exploitée  avec la rigueur nécessaire.

La SFEN . Contact : Francis Sorin Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. ; 01 53 58 32 10. Nous remercions vivement Bertrand Barré et Jean-Pierre Pervès pour la   contribution apportée  à l’élaboration de ce document

 

 

ANNEXES au document de la SFEN

« L’accident de Fukushima et ses conséquences »

 

LES UNITÉS EN RADIOACTIVITÉ

Ces unités sont au nombre de trois :

*Le becquerel (Bq) mesure l’ACTIVITÉ: un becquerel correspond à UNE mutation d’un noyau atomique par seconde (encore appelée « désintégration »), quelle que soit la nature de la mutation ou celle de la particule émise. C’est une unité minuscule bien adaptée à la mesure de la radioactivité naturelle provenant soit de l’action des rayons cosmiques sur l’atmosphère, soit de certains constituants radioactifs de la matière terrestre (une origine dite « tellurique »). Cette radioactivité naturelle se retrouve dans le corps humain qui est ainsi le siège de 8 à 10.000 désintégrations par seconde en moyenne pour un adulte, soit 8 à 10.000 becquerels du fait de l’inhalation de gaz ou de poussières radioactifs présents depuis la nuit des temps dans notre environnement, et de l’ingestion de produits radioactifs contenus en faible quantité, de façon tout aussi naturelle, dans l’alimentation. Compter des becquerels ne permet pas d’apprécier réellement le danger éventuel couru à proximité d’une source radioactive, la pénétration des rayonnements dans les tissus et leurs effets étant extrêmement variables selon la nature du radio-élément considéré, pour un même nombre de désintégrations.

*Le gray (Gy) et ses sous-multiples (notamment le milligray ou mGy) sont des unités de DOSE ABSORBÉE: un gray correspond à une énergie absorbée dans la matière (vivante ou non) de 1 joule par kilogramme. Cette unité est PHYSIQUEMENT mesurable mais ne donne qu’une indication approximative de l’effet biologique provoqué par son interaction avec des tissus vivants. Pour une même énergie absorbée, l’effet dépend de la nature des tissus et de leur capacité de régénération.

*Le sievert (Sv) et ses sous-multiples (notamment le millisievert ou mSv) sont des unités de DOSE EFFICACE valables uniquement en cas d’irradiation du corps humain.Une dose en mSv est le fruit d’un calcul qui, partant de la dose absorbée par chaque organe (en mGy), tient compte d’un certain nombre de facteurs correctifs dépendant de la nature du rayonnement comme de la sensibilité particulière des différents organes irradiés. Le mSv est donc la seule unité qui traduit l’impact éventuel d’un rayonnement sur l’homme. C’est un indicateur du RISQUE COURU, créé pour les besoins de la radioprotection, qui est à peu près proportionnel au risque pour des doses dépassant 100 à 200 mSv. L’utiliser en dehors d’un cas d’irradiation humaine ou pour calculer le risque de très faibles doses n’a pas de sens. Par exemple, quel que soit le nombre de becquerels détectés sur une surface contaminée, si les rayonnements émis ne sont pas susceptibles d’atteindre des êtres humains, il n’est pas possible de parler de dose en mSv. En cas de contamination avérée, des tables donnent directement l’équivalent en mSv à partir du nombre de Bq ou de mGy mesurés, de la nature des rayonnements émis et du type de contamination. Pour être encore plus précise, l’évaluation de la dose efficace aurait du tenir compte de l’âge des sujets irradiés, la radiosensibilité des tissus évoluant avec le temps, mais cela aurait encore compliqué des calculs déjà délicats.

NB : En 1986, les anciennes unités curie, rad et rem ont été remplacées par les unités ci-dessus actuellement seules valables. Un curie valait 37 milliards de becquerels (  un rapport égal au tour de la Terre par rapport          à 1 mm), le rad valait 1/100 de Gy et le rem 1/100 de Sv.

Les effets des rayonnements radioactifs sur la santé

La vie est apparue sur la Terre il y a plusieurs milliards d’années, à un moment où les rayonnements telluriques naturels étaient au moins 2 à 3 fois plus intenses qu’aujourd’hui. Ces radiations, combinées aux rayons cosmiques venus de l’espace, continuent à exister aujourd’hui sur toute l’étendue de la planète, sans avoir entravé le développement des espèces vivantes. En moyenne, cette irradiation correspond en France à environ 2,5 millisieverts/an et par personne (mSv – voir la fiche « Unités »). La radioactivité naturelle varie beaucoup dans le monde (facteur de 1 à 100), selon la composition géologique des sites, sans entraîner de problèmes particuliers pour les populations les plus exposées (voir par exemple l’état de Kerala aux Indes).

Comment ces rayonnements agissent-ils sur un organisme vivant?

Selon leur intensité, ils sont plus ou moins absorbés par les tissus vivants, y libèrent de l’énergie et peuvent être  destructeurs pour nos cellules. Mais il faut relativiser : des milliards de nos cellules meurent spontanément chaque jour et sont remplacées sans problèmes. Il faut des destructions importantes de certains tissus vitaux ou l’apparition de mutations cellulaires pour perturber durablement notre organisme. Tout est donc une question de DOSE pour déterminer le risque de survenue d’un effet nocif. Lors d’une irradiation globale de l’organisme, plusieurs possibilités se présentent :

 

-     pour des doses inférieures à 50-100 mSv pour un enfant et 100-200 mSv pour un adulte, on ne met en                   évidence aucun effet                                  

-          pour des doses dépassant ces seuils, le risque d’un cancer augmente, apparemment au hasard, avec une probabilité qui augmente avec la dose ;

-          enfin, pour de très fortes doses, des effets très graves se produisent, par destruction de la mœlle osseuse (3000 mSv) de la paroi du tube digestif (10 000 mSv) ou œdème cérébral mortel (20 000 mSv).

 

A dose égale, les effets sont évidemment moins graves pour une irradiation locale. Des doses qui seraient très dangereuses en irradiation « corps entier » n’entraînent par exemple qu’une rougeur locale si elles sont absorbées simplement par une petite surface de peau. Une controverse concerne l’existence ou non d’un seuil en dessous duquel l’irradiation pourrait être considérée comme inoffensive. Par précaution et pour une protection maximale des personnes exposées, certains ont proposé une « relation linéaire sans seuil » (RLSS) qui implique un risque, même infinitésimal, dès qu’une irradiation survient. Il subsiste que sur un plan biologique, cette RLSS est fortement critiquée, son utilisation répondant à un principe de précaution poussé au maximum sans prendre en considération ni les multiples recherches qui n’ont jamais mis en évidence d’apparition statistiquement significative de pathologies liées à des irradiations à très faible niveau sur des populations étendues, ni les données de la biologie qui montrent que les défenses de notre organisme contre les rayonnements, débordées par des doses élevées, sont en revanche très efficaces contre les faibles doses. Enfin, un problème important concerne les malformations (non transmissibles à la descendance) que peut entraîner l’irradiation d’un fœtus dans le ventre de sa mère. Ceci peut survenir pour des doses dépassant 100 à 200 mSv. Quant aux malformations héréditaires, elles n’ont jamais été observées dans l’espèce humaine (voir la surveillance de la descendance des irradiés d’Hiroshima et Nagasaki, suivie maintenant sur 3 générations).

 

Comment peut-on utiliser les rayonnements en médecine?

Les rayonnements traversent les tissus et peuvent, à faible dose, contribuer à donner des images de l’intérieur du corps ou des organes. A plus forte dose, ils peuvent détruire des groupes de cellules, notamment les cellules tumorales, plus « radiosensibles », même situées dans la profondeur de l’organisme :

- l’imagerie tente donc de visualiser les contours des organes en jouant soit sur l’absorption différentielle des rayons par les différents tissus (radiologie) soit sur la concentration d’un produit radioémetteur dans tel ou tel groupement cellulaire bien caractérisé (médecine nucléaire).

- la radiothérapie vise par contre à délivrer des doses importantes, mais très localisées, pour détruire par exemple des zones cancéreuses tout en irradiant le moins possible les tissus sains environnants.

Les doses reçues par les organes humains sont évidemment supérieures en radiothérapie (d’un facteur 1000 parfois). On dispose de stratégies d’examen qui fournissent le maximum de renseignements ou détruisent la plus grande partie des tissus atteints tout en respectant le plus possible le reste de l’organisme. Les progrès sont constants dans ces domaines et bien que ce soit un travail difficile, à adapter à chaque cas, les techniques actuelles permettent de minimiser les irradiations pour des résultats toujours plus efficaces.Existe-t-il  un risque de cancer secondaire déclenché par la radiothérapie ? Les études montrent que cette possibilité peut survenir, mais dans un petit nombre de cas et avec des retards considérables (10 à 20 ans) alors que la tumeur éradiquée par les rayons constitue un risque mortel à brève échéance.

L’utilisation des rayonnements est donc une technique dont la médecine moderne ne saurait plus se passer et qui permet de prolonger la vie, voire d’obtenir la guérison, de centaines de milliers de patients chaque année.

Extrait de : Revue Générale Nucléaire, n° 6 novembre-décembre 2011

Echelle des valeurs repères du risque radioactif graduée en millisieverts (mSv)

 

Jean-Claude BÉRANGER, Secrétaire général honoraire de la Fondation Européenne de l'Energie

 

Cette échelle de valeurs repères en radioactivité a été élaborée à l'intention des patients devant subir une intervention en médecine nucléaire. Elle doit leur permettre d'apprécier par eux-mêmes le niveau du risque radioactif auquel ils sont confrontés.

L’utilisation du millisievert (mSv) permet de comparer les différentes irradiations puisque cette mesure tient compte de la nature du rayonnement (Alpha, Bêta, Gamma et rayons cosmiques), de son intensité, de la radiosensibilité des différents tissus, de l’âge et du mode de cette vie des individus. Sachant qu’à dose égale et à débit de dose égal les effets des rayonnements ionisants sont rigoureusement identiques, qu’il s’agisse de radioactivité naturelle ou artificielle, il est ainsi possible à chacun, grâce à cette échelle de valeurs repères, d’apprécier le risque radioactif auquel il pourrait être confronté. La moyenne mondiale annuelle de l’irradiation naturelle est de 2,4 mSv.

·         0 mSv :

N’existe pas dans la nature et n’a jamais existé car il y a le rayonnement ionisant venu de l’espace et la présence d’uranium, de thorium et de leurs descendants dans notre croûte terrestre. Mais il y a aussi, à l’état naturel, le potassium 40, le carbone 14, le tritium et même des traces de plutonium. L’organisme humain normal du fait de sa constitution, est soumis en permanence à 8.000 désintégrations par seconde de radioéléments naturels.

 

·         Moins de 0,01 mSv :

Dose d’irradiation annuelle supplémentaire qui s’ajoute à l’exposition naturelle pour les habitants vivants à proximité des installations nucléaires (réacteurs, usine de retraitement des combustibles nucléaires irradiés), ce qui n’a aucune incidence possible sur l’homme et l’environnement car ce niveau de radioactivité est beaucoup trop faible.

·         0,3 mSv :

Dose annuelle d’irradiation interne du corps humain du fait de l’ingestion de nos aliments (carbone 14 et surtout potassium 40) et qui est incluse dans la moyenne de 2,4 mSv d’irradiation naturelle.

·         0,4 mSv :

Dose de l’irradiation annuelle due aux rayons cosmiques au niveau de la mer. Cette activité double avec l’altitude environ tous les 1.500 m.

·         0,1 à 0,5 mSv :

Dose au poumon d’une radiographie.

·         0,8 mSv :

Exposition annuelle due aux seuls rayons cosmiques pour les habitants vivant à 1.500 m d’altitude.

·         1 mSv :

Dose légale annuelle de radioactivité artificielle, sans compter les expositions médicales, à ne pas dépasser pour les individus du public. Il s’agit d’une limite réglementaire fixée par les instances internationales qui n’a pas de fondement scientifique.

·         2,4 mSv :

Exposition annuelle moyenne du monde et de la France à la radioactivité naturelle. Cette dose moyenne varie parfois fortement.

·         2,4 mSv :

L’expérimentation montre que si des paramécies (protozoaires ciliés) sont soustraites à l’irradiation naturelle, leur vitesse de croissance est inhibée. Ces paramécies retrouvent une vitesse de croissance normale si celles-ci sont de nouveau irradiées.

·         2.5 mSv :

Niveau de la radiation naturelle annuelle à Paris.

·         5 mSv :

Ordre de grandeur de l’irradiation naturelle annuelle dans les environs de l’usine de retraitement des combustibles irradiés de La Hague.

·         5 à 15 mSv :

Exposition annuelle fréquente mesurée à l’intérieur des maisons construites avec des roches et matériaux contenant des traces d’uranium et de thorium du fait de la présence de radon 222 et de ses descendants pour ce qui concerne l’uranium. Il en est de même pour les descendants du thorium. Cette radioactivité naturelle peut être beaucoup plus élevée dans les locaux mal aérés.

·         7,5 mSv :

Ordre de grandeur de l’irradiation naturelle annuelle en Finlande en tenant compte du gaz radon.

·         10 à 15 mSv :

Irradiation naturelle annuelle mesurée à l’air libre dans certaines zones de France du fait de la présence d’uranium dans les roches, en particulier en Limousin.

·         10 à 20mSv :

Dose délivrée au cours d’un examen par scanner à rayons X.

·         15 à 70 mSv :

Dose d’irradiation naturelle subie tous les ans par les populations de certaines régions de Chine, du delta du Nil, du Brésil, du Japon, de l’Inde (Kerala), de l’Iran, du Caucase et de l’ile de Nive au nord de la Nouvelle Zélande. Ces irradiations qui durent depuis la nuit des temps n’ont pas permis d’observer une augmentation d’incidence des cancers ni des malformations congénitales.

·         15 à 100 mSv :

Doses annuelles d’irradiation auxquelles on observe une stimulation des défenses naturelles des cellules corrigeant les phénomènes délétères. Le phénomène d’apoptose élimine les cellules lésées par leur mort programmée.

·         20 mSv :

Dose légale annuelle d’irradiation artificielle à ne pas dépasser pour tous les travailleurs du nucléaire y compris les travailleurs intérimaires. Cette limite a été choisie avec de grandes marges de sécurité.

·         20 mSv :

Ordre de grandeur annuelle de l’irradiation naturelle moyenne à l’époque de l’apparition de la vie sur la terre.

·         70 mSv :

L’irradiation naturelle annuelle monte jusqu’à ce niveau dans la province de Kerala en Inde. Ici, comme ailleurs, il n’apparaît pas de corrélation entre cette irradiation et la mortalité par cancer de cette population.

·         100 mSv :

Jusqu’à ce niveau on reste dans le domaine des faibles doses. Compte tenu des dernières données scientifiques, on doit considérer ce niveau comme un seuil pratique pour lequel il n’y a pas d’effet négatif observé. L’Autorité de Sûreté Nucléaire confirme cette donnée.

·         700 à 1500 mSv :

Sur le corps entier et en un temps court : apparition de symptômes nauséeux, nécessité d’un suivi médical.

·         4500 mSv :

Sur le corps entier et en un temps court : décès d’un homme sur deux au bout d’un mois si l’irradié reste sans soin.

·           10 000 à 80 000 mSv :

Niveau d’irradiation utilisé sur une surface réduite pour détruire les cellules cancéreuses d’une tumeur, le reste du corps du patient étant protégé. En France chaque année, plus de 40% des cancers soignés sont guéris par radiothérapie.

Bibliographie

[1] "CEE National Radiation", Atlas Direction générale XI A-1-1992 Centre Albert Wagner C3, rue Alcide de Gaspéri, L29-20 Luxembourg.

[2] "EDF et la surveillance de l’environnement autour des centrales nucléaires", avril 2010, EDF, Division de la production nucléaire.

[3] Jacques Pradel - "La radioactivité, c’est naturel", Revue Mines (Revue des ingénieurs des mines) N°372, janvier 1988, pages 22 à 29.

[4] Professeur Hubert Planel, Soleilhavoup, Daniel Blanc, Jacques Fontan et René Tixador - Compte rendu de l’Académie des Sciences, 27 Juin 1966, "Essai de démonstration expérimentale de l’activité biologique des radiations ionisantes naturelles".

[5] Richoilley G. - "Action biologique des radiations ionisantes naturelles. Etude de la multiplication de la Paramécie en laboratoire souterrain", Thèse de doctorat, Faculté de médecine de Toulouse, 1972, Bibliothèque scientifique de l’Université de Toulouse.

[6] Nair MK, Nambi KS, Amma NS et al. – "Population Study in the High Natural Background Radiation Area in Kerala. IndiaRadiat Ras 1999, 152, 5145-5148.

[7] Professeur Jean-Claude Ameisen – "La culture du vivant. Le suicide cellulaire ou la mort créatrice" (mort cellulaire programmée ou apoptose), Edition du Seuil, 1999, 5ème édition 2007, Points Seuil.

[8] André Aurengo, Dietrich Averbeck, André Bonin, Bernard Le Guen, Roland Masse, Roger Monier, Maurice Tubiana, Alain-Jacques Valleron, Florent de Vathaire – "La relation dose effet et l’estimation des effets cancérogènes des faibles doses des rayonnements ionisants", 27 février 2005, Rapport à l’Académie des Sciences et à l’Académie nationale de médecine.

[9] Professeur Maurice Tubiana – "L’existence d’un seuil à 100 mGy est extrêmement vraisemblable", 15 mars 2008, Bulletin d’information du groupe de recherche en radiotoxicologie, Université Paris Diderot Paris VII, Service de biophysique.

[10] Francis Sorin – "Le nucléaire et la planète", 2009, Grancher Editeur.

 

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