Sauvons Le Climat

Réponse de Sauvons Le Climat à la consultation PINC de la Commission Européenne

Objet: le Traité Euratom impose à la Commission Européenne de publier périodiquement un programme indicatif nucléaire (PINC). Le dernier PINC date de 2017 et est largement obsolète.

Présentation de Sauvons Le Climat : association (ONG) française dont le but est de proposer des politiques de lutte contre le réchauffement climatique - rationnelles, volontaristes, réalistes et efficaces - grâce au partage d’analyses scientifiques et cartésiennes à destination des dirigeants, des décideurs, et du grand public. Sauvons Le Climat est une ONG indépendante de tous intérêts financiers.

*******

Comme on le sait, la décarbonation de l’Europe passera majoritairement par l’électrification des usages de l’énergie pour remplacer les énergies fossiles. Produire les grandes quantités d’électricité nécessaires constituera un défi considérable dans la mesure où cette dernière devra être à la fois : bas carbone ; disponible de façon fiable et sûre ; d’un prix soutenable pour l’économie et les citoyens.

L’Europe s’est massivement engagée dans la promotion des énergies renouvelables, dont les seules qui ont un potentiel de développement important sont l’énergie éolienne et l’énergie solaire, les autres énergies renouvelables (hydraulique, biomasse, etc.) ayant des potentiels de croissance limités en Europe. Elles constituent une partie de la solution, mais elles ne suffiront pas comme le prouvent les retours d’expérience actuels de l’Allemagne et de l’Espagne, sous plusieurs aspects :

* Le solaire photovoltaïque et l’éolien sont des sources d’énergies intermittentes et variables en fonction de la météo, incapables de répondre à elles seules aux besoins continus d’un pays développé. Il faut donc les secourir et compléter par différents moyens, soit de production d’électricité pilotable, soit de stockage d’énergie, soit d’effacements de consommation, etc.

Ce n’est pas une vue de l’esprit mais une réalité bien connue, dont un paroxysme est illustré par l’épisode de "grisaille anticyclonique" ("Dunkelflaute") qui s’est produit en Allemagne au début de novembre 2024, durant plus de 10 jours. Cet épisode a cumulé une production éolienne très faible en moyenne, qui est descendue à une valeur minimale inférieure à 1 % de la puissance éolienne totale installée en Allemagne, ainsi qu’une production photovoltaïque elle aussi très faible en journée du fait du phénomène de "grisaille". Un tel épisode est appelé à se reproduire, des manques de vent pouvant atteindre jusqu’à 2 semaines étant régulièrement observés, pratiquement tous les ans en Europe.

* Les énergies éoliennes et photovoltaïques sont en outre quantitativement incapables d’alimenter seules un grand pays développé comme l’Allemagne. La preuve incontestable en est apportée par le projet de ce pays d’importer en complément des quantités considérables d’hydrogène décarboné, produit par électrolyse dans des pays ensoleillés. Mais, outre la dépendance géopolitique que cela implique, cette stratégie présente de grandes difficultés et incertitudes matérielles, notamment liées au transport de l’hydrogène, s’il n’est pas fait par gazoducs, uniquement envisageables depuis des pays très proches. Sinon, il faut envisager des transports sous forme d’H2 liquéfié à – 253 °C, ou combiné dans des molécules comme le NH3 par exemple. Mais une chose est certaine : ces transports requièrent des dépenses énergétiques très importantes et leurs coûts seront très élevés, renchérissant fortement le coût du MWh d’hydrogène rendu en Allemagne. Au-delà de son coût très élevé quasi-certain, il s’agit donc là d’une solution présentant de très fortes incertitudes de viabilité.

* Il vient s’y ajouter une incertitude majeure d’ordre technique et opérationnel : il n’existe actuellement aucune certitude validée expérimentalement sur des grands réseaux réels en exploitation qu’ils puissent fonctionner de façon stable et sûre avec des taux de pénétration très élevés d’électricité éolienne et/ou photovoltaïque. La raison profonde est bien connue et résulte du fait que ces sources d’électricité ne sont plus connectées au réseau de façon synchrone comme les alternateurs, mais par des moyens électroniques qui n’apportent aucune inertie au système électrique.

L’analyse approfondie du black-out espagnol du 28 avril 2025 reste à faire, mais on peut d’ores et déjà noter que le gestionnaire du réseau espagnol (REE) avait dès début 2025 alerté sur les risques de coupures de production dues à l’instabilité du réseau espagnol dans ces circonstances. Ceci d’autant plus que ce réseau est faiblement interconnecté, via la France, au reste du réseau européen. Il est donc dans une situation plus fragile. Or, juste avant l’incident, le taux cumulé d’éolien et de photovoltaïque dépassait 70 % et les enregistrements de fréquence et de tension montrent que ces paramètres présentaient des variations très rapides de grandes amplitudes. Cet incident constitue donc un évènement majeur qui a valeur de précurseur pour le reste de l’Europe, dont il faudra impérativement tirer un retour d’expérience complet et objectif.

En résumé, les énergies renouvelables éoliennes et photovoltaïques, seules énergies renouvelables qui ont un potentiel de croissance élevé, n’offrent pourtant pas la garantie qu’elles pourront satisfaire les besoins des pays développés européens, que ce soit en termes quantitatifs, de sécurité d’alimentation ou de coûts de production : leur indispensable soutien/secours par des moyens de production pilotables, des moyens de stockage d’énergie et la nécessité d’étendre fortement les réseaux pour les connecter, augmentent fortement le coût global du système électrique et donc celui de l’électricité produite. Cela limite leur usage.

Il existe pourtant un autre moyen éprouvé de production d’électricité décarbonée : l’énergie nucléaire, apte à produire en permanence de grandes quantités d’électricité pilotable à un coût compétitif. En outre, grâce à leurs grandes tailles, les unités de production nucléaires apportent au réseau une inertie considérable, indispensable à sa stabilité, ce que ne peuvent faire ni l’éolien, ni le photovoltaïque.

Enfin, dans le cadre de l’instruction relative à la taxonomie, le rapport publié par le JRC à la demande de la Commission mentionnait explicitement : « Les analyses n'ont révélé aucune preuve scientifique que l'énergie nucléaire cause plus de dommages à la santé humaine ou à l'environnement que d'autres technologies de production d'électricité déjà incluses dans la taxonomie en tant qu'activités soutenant l'atténuation du changement climatique ».

Pourtant, en dépit de ses avantages majeurs, l’option nucléaire a malheureusement été trop longtemps ignorée, voire rejetée ou a minima freinée dans les instances européennes. Face aux enjeux majeurs et difficultés de la lutte contre le réchauffement climatique, il est temps et urgent de lui redonner toute sa place, comme le souhaitent et le demandent les 14 pays membres de l’UE regroupés dans « l’alliance européenne du nucléaire » qui veulent continuer à utiliser ou développer cette énergie. Ils ne font en cela qu’exercer le droit souverain de chaque Etat membre à choisir son mix énergétique.

Cela implique une remise en cause radicale de la politique antérieure, qui doit enfin redevenir conforme au Traité Euratom, passant notamment par :

* La neutralité technologique, traitant sur un plan égalitaire, ceci dans tous ses aspects, toutes les technologies de production d’électricité à très faible intensité de carbone dont l’Europe aura un besoin essentiel croissant.

* Une révision de la Taxonomie dont la version actuelle impose des limites artificielles sans fondement scientifique au développement de l’énergie nucléaire, qui limite ses possibilités de financement.

* Une révision de l'accès aux mécanismes de financement existants dont le nucléaire est actuellement exclu. Ce d’autant plus que la très longue durée d’exploitation (60 à 80 ans) des installations nucléaires n’est pas propice à des financements privés qui demandent des temps de retour rapides. Des financements par des banques institutionnelles ou par les Etats membres sont de ce fait indispensables et ne doivent plus être considérés comme des aides indues contraires aux règles de la concurrence, alors même que l’électricité nucléaire apporte des services essentiels au système électrique européen, et sont pour ce faire peu ou pas rémunérés actuellement. 

* La non-discrimination des règles de rémunération de l’électricité nucléaire par rapport à celles de l’électricité éolienne ou photovoltaïque.

En conclusion, il est temps de prendre conscience que l’Europe n’a pas d’avenir énergétique décarboné assuré sans une proportion suffisante d’électricité nucléaire garantissant sa sécurité d’alimentation en électricité, ceci à un coût soutenable. Or, plus de la moitié des pays membres de l’UE sont désireux d’y avoir recours, et sont prêts à continuer à l’utiliser ou à s’y engager pour ceux qui n’en ont pas encore.

Ces pays ne doivent plus être freinés dans leurs légitimes et rationnels objectifs de décarbonation, mais au contraire favorisés par des dispositions communautaires adéquates. Il s’agit en effet là d’une politique industrielle vitale pour l’avenir du continent qui ne doit plus être entravée par des considérations de concurrence qui n’ont pas lieu d’être : le nucléaire n’est pas le concurrent des énergies renouvelables, l’Europe aura impérativement besoin des deux pour disposer de suffisamment d’électricité bas carbone pour rester un continent à niveau de vie développé.

Copyright © 2025 Association Sauvons Le Climat