Étude de Georges Sapy
L’électrification à 100 % des véhicules, voitures individuelles et petits utilitaires, est de loin la meilleure solution pour décarboner la mobilité routière. La croissance rapide du parc de voitures 100 % électriques est donc un enjeu essentiel pour accélérer la décarbonation et atteindre l’objectif fixé au niveau européen d’arrêt des fabrications en 2035 de tout véhicule neuf utilisant des énergies fossiles.
Où en est-on sur cette trajectoire ? Après plusieurs années de croissance ininterrompue jusqu’en 2023, les ventes annuelles de voitures 100 % électriques ont régressé en 2024 en France, en Europe et ailleurs. Et il apparaît clairement qu’avec la baisse de ces ventes en 2024, on est loin de l’objectif prévu, en France et en Europe. Pourquoi et quelles en sont les conséquences, notamment pour le climat ?
L’analyse des causes de cette situation met en évidence un premier facteur, majeur : l’importance des aides étatiques à l’achat de ces voitures, qui restent plus chères que les voitures thermiques pures et que les voitures hybrides, voitures thermiques « électrifiées » qui se subdivisent en hybrides simples (qui n’ont pas besoin d’être rechargées en électricité car elles rechargent naturellement leurs « petites » batteries lors des ralentissement et des freinages) et en hybrides rechargeables équipées de batteries plus importantes, qui doivent être rechargées sur des bornes électriques à l’instar des voitures 100 % électriques et permettent des roulages en mode purement électrique sur des distances de l’ordre d’une cinquantaine de km en moyenne.
Fait nouveau en 2024, les achats se sont massivement reportés sur les hybrides simples, au détriment de toutes les autres catégories de voitures. Le prix d’achat élevé des voitures 100 % électriques est le facteur dominant de cette évolution du marché, dont la solution passe par des aides étatiques à l’achat, ceci dans tous les pays, en attendant la baisse des prix de ces voitures grâce à l’allongement des séries et aux progrès technologiques. Mais ce n’est pas la seule cause : comme le montrent les enquêtes d’opinion, d’autres facteurs sont malheureusement à l’œuvre, qui freinent également les achats de voitures 100 % électriques : scepticisme sur l’intérêt de ces voitures pour le climat, idées fausses sur leur fiabilité, réticences diverses d’ordre psychologique. La solution n’est ici plus financière, mais comme le dit l’ancien directeur technique de Renault, cette situation appelle des efforts urgents de pédagogie : « Il faut absolument que nous arrivions à convaincre les « électro-sceptiques » et les « électro-prudents » que le 100 % électrique est la bonne solution pour l’environnement, y compris sur l’ensemble du cycle de vie du véhicule ».
Toute la question est donc de savoir si les choix des acheteurs en 2024 vont persister dans les années à venir et jusqu’à quand.
En tout état de cause, la longue marche vers l’électrification intégrale des véhicules est complexe. Elle embarque en effet aussi des considérations de politique industrielle, incluant des répercussions sociales sur l’emploi, touchant à la pérennité de l’industrie automobile française et européenne, qui doit faire face à la redoutable concurrence chinoise par les prix. Cette situation était rendue encore plus difficile pour les constructeurs européens par le risque de devoir payer dès 2025 des amendes très élevées pour non-respect des objectifs de baisse des émissions moyennes de CO2 de leurs ventes, objectif que seules des ventes de voitures 100 % électriques beaucoup plus élevées qu’en 2024 sont susceptibles de faire baisser. Mais les acheteurs ne sont pas suffisamment au rendez-vous… Ce risque vient heureusement d’être reporté par la Commission européenne qui a proposé le 3 mars 2025 de retenir les émissions moyennes des trois années 2025 à 2027, et non plus seulement l’année 2025.
Dans ce contexte difficile, la politique gouvernementale actuelle d’aides à l’achat de voitures 100 % électriques apparaît comme incohérente eu égard à l’importance de ces aides pour déclencher l’acte d’achat. En 2024, ces aides ont atteint environ ≈ 1,5 Md€, somme compensée à 90 % par les recettes du malus automobile sur les émissions de CO2, sans par conséquent peser significativement sur le budget de l’État. En 2025, le gouvernement a fait le choix de diviser ces aides par plus de 2, à 700 M€, alors que le double malus sur les émissions de CO2 et sur le poids (nouveauté en 2025 pour ce dernier) devrait rapporter environ ≈ 2,4 Mds€. Ainsi, au lieu de flécher le surplus important attendu du malus en 2025 vers les aides à l’achat de voitures 100 % électriques, le malus servira surtout à financer le budget de l’État. Le pays est certes fortement endetté, mais ce choix est un très mauvais signal envoyé aux acheteurs potentiels, clairement contre-productif au regard de l’objectif de décarbonation, érigé en priorité par ailleurs.
On ne peut que déplorer que le court terme fasse oublier le long terme.
Lien vers l’étude de Georges Sapy :
La mobilité électrique en berne en 2024 et ses conséquences
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