Etudes scientifiques

Comment compter et évaluer les différentes énergies, et en particulier les énergies renouvelables : réflexions méthodologiques et exemples

  • Publié le 18 mai 2013
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Pierre Bacher – mai 2013

Résumé : Après avoir rappelé les concepts d’énergies primaires et d’énergies finales ainsi que les conventions qui les lient, tels qu’adoptées au niveau international, on montre leur inadaptation lorsque l’on veut évaluer l’efficacité énergétique et économique des systèmes énergétiques, en particulier ceux  comportant plusieurs transformations d’une énergie dans une autre. En revanche, la méthodologie développée dans le rapport Vecteurs de l’Académie des technologies[1] se révèle parfaitement bien adaptée.

On illustre ce propos par deux exemples : les principales utilisations de la biomasse (limitées au secteur de l’énergie) et l’utilisation des pointes de production de l’électricité éolienne, par essence intermittente.

Cette méthode permet de bien identifier les principaux facteurs qu’il est indispensable de quantifier lorsque l’on veut évaluer la pertinence technico-économique de tel ou tel choix ; notamment les rendements thermodynamiques de chaque étape, les capitaux à investir et les facteurs de charge que l’on peut espérer, l’impact en matière de rejets de CO2.

 

Introduction

Depuis 2002, la France a adopté les conventions internationales pour comptabiliser les différentes énergies et en faire des bilans. On verra dans un premier chapitre que ces conventions,, même si elles sont discutables, ont le grand mérite de permettre les comparaisons internationales, aussi bien au niveau des ressources qu’à celui des consommations. En revanche elles sont mal adaptées  aux énergies qui demandent plusieurs transformations successives importantes. C’est ce que nous verrons dans une deuxième partie, en nous attachant à deux des voies proposées pour le développement des énergies renouvelables : les différents  usages de la biomasse et les électricités intermittentes.

Les représentations proposées  permettent aussi, en adaptant la démarche du rapport de l’Académie des technologies sur les vecteurs d’énergie, de poser les termes d’un bilan économique, ce que nous ferons sur les deux exemples précédents dans une troisième partie.

 

1. La convention internationale

Le bilan énergétique de la France est présenté chaque année en appliquant les conventions internationales. Le changement très important intervenu en 2002, sur décision de l’Observatoire de l’Energie, est expliqué et justifié dans une note de la DGEMP du 26 février 2003.[2] 

Les énergies sont classées de la façon suivante :

·         l’énergie primaire, qui est soit extraite du sol sous forme d’énergie fossile, soit produite par la fission de l’uranium, soit provenant de l’énergie gravitaire de l’eau, etc.

·         l’énergie secondaire, issue de la conversion sous une forme utilisable d’une énergie primaire, par exemple l’électricité d’origine thermique ou les produits pétroliers sortis de raffinerie,

·         l’énergie finale, qui est consommée dans un équipement ou une installation qui la « dégrade » définitivement, comme ampoule électrique, moteur d’automobile, chaudière, climatiseur, etc.

·         l’énergie utile, qui est réellement nécessaire pour le consommateur, (soit le produit de l’énergie finale disponible par le rendement de l’équipement).

 

Bilans énergétiques : énergies primaires et finales

 

Le bilan énergétique de la France, résumé sur la figure 1, montre les quantités d’énergies primaires et finales, exprimées en Mtep (chiffres 2009).

 

                    Energies primaires ( 276Mtep)                        Energies  finales (162 (Mtep)

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Figure 1

 

Une des difficultés rencontrées pour établir un tel bilan provient du fait que les énergies se présentent sous des formes très différentes (électricité et énergies thermiques), ont des origines très différentes (fossiles, nucléaire ou renouvelables) et des usages très différents (usages fixes, transports). Au niveau de l’énergie finale, par exemple, peut-on attribuer la même valeur à un Joule électrique et à un Joule pétrole. D’autre part, si on veut pouvoir comparer les bilans énergétiques au niveau international, il est nécessaire que les choix d’équivalences soient les mêmes dans les différents pays. Il est également nécessaire, si l’on veut suivre les évolutions ans le temps des ressources et des consommations d’énergie, de conserver une grande stabilité dans ces choix d’équivalence. La France s’est ralliée au consensus international en 2001, comme il est expliqué dans une note de la DGMEP de 2003 dont on a reproduit de larges extraits en annexe 1.

 

Le bilan présenté dans la figure 1 ne permet pas de voir comment on passe des énergies primaires aux énergies finales. Pour pallier ce manque, l’Observatoire de l’énergie publie chaque année le même bilan complété par un graphique qui résume l’essentiel des transformations nécessaires. On voit par exemple sur la figure 2 que près de 90 % de l’énergie contenue dans le pétrole brut se retrouve dans les produits pétroliers finals, mais que seulement un tiers environ de l’énergie nucléaire (qui est produite sous forme de chaleur) est transformée en énergie électrique. Le graphique montre assez bien les rendements de ces transformations ainsi que les pertes, et apporte des informations très utiles. Mais il est relativement complexe alors même que les transformations illustrées sont simples (pertes au raffinage pour le pétrole, centrales nucléaires, hydraulique et thermiques à flamme pour la plus grande part de la production d’électricité). C’est probablement pour cette raison que l’étape de l’énergie secondaire n’est pratiquement jamais présentée.

 

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Figure 2 – bilan énergie France 2011[3] (P=production nationale d’énergie primaire ; DS=déstockage ; I= importations)

La situation est encore plus compliquée lorsque l’on cherche à représenter les situations nécessitant des transformations multiples, notamment celles liées aux différentes utilisations de la biomasse ou à la gestion de l’intermittence de la production électrique  (et même, plus simplement, le stockage de l’électricité dans les STEP hydrauliques). Il est donc indispensable de les représenter autrement. Ce sera l’objet du chapitre 2.

 

Auparav ant, deux remarques s’imposent : les bilans d’énergie finale ne suffisent  pas à  caractériser l’efficacité au niveau de la consommation, et les bilans d’énergies primaires ne suffisent pas à caractériser les sources de CO2 liées au domaine de l’énergie. Dans les deux cas, il faut aller plus loin et s’intéresser au système énergétique concerné dans sa globalité.

 

Premier exemple : la mobilité

Une tep électrique alimentant une batterie de voiture électrique fournira environ 0,7 tep d’énergie utile sur les roues ; alors qu’une tep de gasole ne fournira que 0,2 à 0,25 tep. Ceci traduit le fait que les pertes thermodynamiques (rendement de Carnot) se situent en amont pour l’énergie électrique, mais en aval pour l’énergie thermique et illustre bien la nécessité de regarder l’ensemble du système.

 

Deuxième exemple : l’habitat

En imposant un plafond de la consommation d’énergie primaire mais pas des émissions de CO2, la RT2012 affiche clairement une priorité : limiter la consommation d’électricité, même si ce choix entraîne une augmentation de l’utilisation du gaz naturel et donc des rejets de CO2. En aval, les besoins d’énergie utile dépendent de l’isolation thermique et de l’efficacité énergétique des appareils électroménagers ; là aussi, c’est l’ensemble du système qui doit être optimisé.

 

Troisième exemple : la production de combustibles fossiles

Les émissions de CO2 liées aux énergies fossiles sont très généralement calculées à partir du contenu en carbone des énergies primaires (charbon, pétrole et gaz naturel), sans tenir compte des émissions de CO2 (et parfois de CH4) associées à l’extraction et au transport de ces énergies.

 

 

2. Comment compter les nouvelles énergies renouvelables ?

Le fait que les modes de transformation de certaines énergies primaires en énergies finales soient complexes nécessite d’introduire de nombreuses hypothèses, impossibles à identifier dans un schéma simplifié tel celui de la figure 2. A l’opposé, des schémas type « Sankey » permettent de visualiser toutes les voies possibles, mais nécessitent tellement d’hypothèses qu’ils en deviennent invérifiables. La voie proposée ici est intermédiaire. En s’inspirant de la démarche explicitée dans le rapport « Vecteurs » elle cherche à décomposer les processus en quelques étapes essentielles, an affichant clairement les hypothèses qui sont faites.

 

Premier  exemple : de la biomasse au biocarburant

La biomasse est une source d’énergie primaire  carbonée provenant de la captation de CO2 de l’atmosphère par la   photosynthèse ; elle a  de multiples applications : agro-alimentaire, papier, carton, chimie verte, chaleur, électricité, biogaz, biocarburants, etc.[4] Dans l’exemple qui suit, on se limitera aux deux usages principaux dans le domaine de l’énergie : la fourniture de chaleur et la production de biocarburants de seconde génération, c’est à dire non en compétition avec les usages alimentaires, la production de biogaz étant une alternative voisine.

On admettra avec P. Mathis, qu’en France quelque 16 à 17 millions d’hectares (Mha), essentiellement de forêt, sont exploitables pour le bois d’œuvre, l’industrie (papier etc.) et pour produire de la chaleur, cette dernière utilisation permettant de disposer d’environ 1 tep/ha ; et que 5 Mha sont exploitables avec des cultures  ligno-cellulosiques (non alimentaires) à haut rendement (de l’ordre de 4,5 tep/ha nets, après déduction de l’énergie dépensée pour cette exploitation) pour produire des biocarburants de seconde génération ou du biogaz.

L’énergie primaire correspondant à ces deux usages fournie par la biomasse est donc d’environ 35 à 40 Mtep[5]

 

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Figure 3 – de la biomasse à la chaleur et au biocarburant

Pour produire des biocarburants de seconde génération, il faut d’abord gazéifier la biomasse, pour produire un mélange CO + H2, puis mettre en œuvre le procédé Fischer-Tropsch[6]. Ces opérations consomment beaucoup d’énergie (nous admettrons un rendement « ν » global de 40 % (80 % pour la gazéification, 50 % pour Fischer-Tropsch))[7]. Une partie de cette énergie peut être fournie par la biomasse elle-même, l’autre partie par une énergie non carbonée, par exemple de l’électricité. Dans l’exemple représenté, on admet que cette énergie est fournie pour moitié par la biomasse, pour moitié par l’électricité. Au total, les 22,5 Mtep de biomasse « primaire » provenant des 5 Mha de cultures dédiées produiraient  près de 12 Mtep de biocarburant considéré comme énergie finale, moyennant l’apport de 7,5 Mtep d’électricité[8]. Mais, en l’absence d’apport extérieur d’énergie, la production de biocarburant serait limitée à environ 9 Mtep (22,5*0,4) d’énergie finale.[9]

Si, au lieu de produire du biocarburant, on avait cherché à produire du biocarburant gazeux (biométhane) par un procédé thermochimique de 2ème génération , le résultat n’aurait pas été très différent.

 

Deuxième exemple : l’électricité intermittente

Dans le bilan représenté par la figure 1, l’électricité intermittente et l’électricité régulable sont purement et simplement additionnées. Or elles n’ont pas du tout les mêmes caractéristiques et ne présentent pas le même intérêt, comme le montre très clairement plusieurs études de Sauvons le Climat[10]. C’est ce qui conduit certains scénarios misant sur un très fort développement de ces électricités intermittentes à proposer de « stocker » au moins en partie l’électricité intermittente sous forme d’hydrogène ou de méthane. C’est cette dernière voie que nous illustrons ici. (figure 4) : on voit sur cette figure que les différentes transformations impliquent trois vecteurs différents, l’électricité, l’hydrogène et le méthane.

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Figure 4 – schéma simplifié de l’utilisation d’électricité intermittente

 

L’électricité en excès lorsque le vent souffle fort est d’abord transformée en hydrogène par électrolyse, cet hydrogène devant être comprimé pour être stocké (rendement  h1); l’étape suivante est la méthanation par la réaction de Sabatier (H2 + CO2) (rendement h2), qui donne un mélange de méthane et de gaz carbonique. Ce mélange peut alors être injecté dans le réseau de gaz naturel, soit directement pour servir au chauffage, soit purifié pour servir de carburant automobile (rendement h3). Pour donner des ordres de grandeur, on estime :

·         h1= 0,5 à 0,6 (électrolyse en courant alternatif d’intensité variable, pertes au transport de l’électricité)[11]

·         h = 0,7 en considérant que  l’énergie consommée pour capter, comprimer et stocker le CO2 est imputée aux industries qui ont produit le  CO2  (centrales brûlant des combustibles fossiles, aciéries, etc.)[12]

·         h3 = 0,8

d’où un rendement global de 0,28 à 0,34. Dans l’application numérique qui suit, on adoptera un rendement global de 0,3.

 

Selon l’étude de H. Flocard et J.P Pervès[13], il serait raisonnable de transformer en H2 environ 10 % de l’électricité éolienne, afin  de limiter la puissance des électrolyseurs à environ 25 GW (sur 187 GW d’éoliennes). Sur les 200 TWh produits, 21 TWh seraient transformés en 10 à 12 TWh d’hydrogène, puis  7 à 8 TWh de biogaz. Si ce méthane était utilisé pour produire à nouveau de l’électricité réinjectée dans le réseau pour compenser l’intermittence de l’électricité éolienne, grâce à des centrales à gaz à cycle combiné de rendement pratique 0,55, le rendement global du « stockage » ne serait donc que de 20 à 25 %. Une autre voie serait de restituer au réseau électrique de l’électricité produite dans des piles à combustibles (PAC) alimentées directement par l’hydrogène (qui doit impérativement être comprimé pour être stocké) ; avec un rendement de la PAC de 50 %, la production d’électricité régulable serait de 5 à 6 TWh et le rendement global du « stockage »  de l’ordre de 25 % (à comparer aux 70 à 80 % des STEP). Toutes ces hypothèses sont certainement discutables (c’est tout l’intérêt de cette présentation de pouvoir le faire aisément), et la prise en considération de l’électricité photovoltaïque peut sans doute améliorer un peu la situation ; mais il est clair que le stockage de l’électricité intermittente que ce soit sous forme de biogaz ou d’électricité, ne permet pas d’apporter une contribution importante au système énergétique. Et ceci  indépendamment des aspects économiques, abordés dans la troisième partie.

 

Ces deux exemples permettent de constater quelques manques dans le schéma reproduit dans la figure 1 :

·         l’électricité est présentée comme un tout, alors que l’électricité intermittente et non régulable n’a pas du tout la même valeur que l’électricité régulable 

·         les biocarburants liquides pourraient être comptabilisés avec les produits pétroliers, en tant que « carburants liquides ».[14]

·         il est nécessaire de distinguer, pour la biomasse, celle qui donne une énergie finale sous forme de chaleur de celle qui permet de produire des biocarburants (ou du biogaz)

Plus généralement, il semblerait utile que les rubriques de classement des énergies finales recoupent le plus possible les vecteurs d’énergie ; en effet, comme l’explique le rapport sur les vecteurs d’énergie déjà cité,  ceux-ci assurent un découplage entre les sources d’énergie en amont et les utilisations de ces énergies, en aval.

 

3.  Une approche économique

 

On peut déterminer les coûts de l’énergie (en €/GJ par exemple) à chaque étape de transformation d’un état (a) à un état (b) par une relation du type :

           

(1)       Pb = A Pa + Q + KCO2

 

Pa étant le prix de l’énergie (a), Pb le prix de revient de l’énergie b, A l’inverse du rendement thermodynamique de la transformation, Q les charges fixes (amortissement du capital, dépenses fixes d’exploitation, …) et KCO2 la valeur économique affectée au CO2 émis ou capté (prix du CO2 s’il y a un marché d’émissions, ou taxation des émissions).

 

Premier exemple : de la biomasse au biocarburant

 

Pour cet exemple, nous supposons que toute l’énergie nécessaire est fournie par la biomasse[15]. Le cas où une partie de l’énergie est fournie par l’électricité (ou de l’hydrogène) peut se traiter de manière analogue.

L’application de la relation (1) aux deux étapes du schéma 2 donne :

                        Pgaz = Pbiom1 + Q1

                        Pbioc = Pgaz2 + Q2

soit      (2)       Pbioc = Pbiom/(ν12) + Q12 + Q2

                       

En première analyse, on admet que la somme des charges fixes (Q1+ Q2) est de 12,5 €/GJ, valeur retenue dans le rapport « Vecteurs d’énergie » pour la synthèse de carburant liquide à partir de biomasse (BTL) ; on affecte ces charges pour un tiers  (4 €/GJ) à la phase gazéification et pour deux tiers (8 €/GJ) à la phase Fischer-Tropsch. Avec les hypothèses de rendement adoptées, cela donne :

                        Pbioc =2,5 Pbiom + 16

 

Deux comparaisons sont a priori intéressantes : comparer le coût ou le prix de revient du biocarburant au prix du carburant issu du pétrole et comparer cette utilisation de la biomasse  à celle de l’utilisation pour le chauffage.

 

Biocarburant comparé au carburant classique

Le prix hors taxe à la pompe du carburant classique est de l’ordre de 20 €/GJ. Si on y ajoute une taxe carbone de 100 €/tonne CO2 (8 €/GJ)[16], on arrive à 28 €/GJ. Pout un prix du pétrole augmenté de 50 %, on arriverait à 38 /GJ. Pour une telle fourchette de prix, il y aurait égalité avec le coût du biocarburant pour une  valeur de la biomasse de 5 à 9 €/GJ ce qui, pour une production nette de 4,5 tep/ha (188 GJ), assurerait une recette de 1000 à 1800 €/ha.[17]

 

Biocarburant comparé à la biomasse chaleur

Le développement de l’usage de la biomasse dans le secteur résidentiel/tertiaire n’est guère concevable qu’avec des réseaux de chaleur dont le rendement est pris égal à 80 % et les charges fixes sont Qréseau.:

                        Pchaleur =1,25 Pbiom + Qréseau

Ce prix de « bio-chaleur » peut être comparé au prix du gaz naturel, majoré d’une taxe carbone KCO2  et en tenant compte d’un rendement des chaudières au gaz de 80 % :

                               Pchaleur =1,25 Pgaz + KCO2

L’égalité entre les deux sources de chaleur est obtenue pour :

                        Pbiom = Pgaz + 0,8 KCO2  - 0,8 Qréseau

Pour KCO2 = 6 €/GJ (100 €/tonne CO2) et Qréseau = 10 €/GJ, on aurait

                        Pbiom = Pgaz – 3

Pour un prix du gaz entre 20 et 30 €/GJ, on aurait donc l’égalité pour une valeur de la biomasse entre 17 et 27 €/GJ ; la part du bois destiné à fournir de la chaleur étant estimée à 1 tep/ha (sur une production de 2,5 tep/ha), ce prix du « bois chaleur » produit une recette de 700 à 1100 €/ha. Il faut évidemment ajouter les recettes liées aux autres usages.

 

La comparaison de ces deux usages d’une même ressource (l’hectare consacré à la production d’énergie) est évidemment très approximative, voire discutable, car les hectares de forêt et les hectares de cultures dédiées ne sont pas forcément interchangeables. Elle fournit aux décideurs des éléments de comparaison économique à prendre en compte, notamment dans la définition des politiques publiques. Elle permet  de montrer que le développement des usages énergétiques de la biomasse sera difficile aux prix actuels des énergies fossiles et en l’absence d’une forte taxe carbone. On notera au passage qu’une taxe sur l’énergie (et non spécifiquement sur le CO2) pénaliserait fortement les biocarburants et, d’une façon générale, toutes les voies reposant sur des transformations multiples de l’énergie dans lesquelles les pertes énergétiques sont  nécessairement élevées (rendements).

 

Il est d’autre part indispensable de considérer l’ensemble de la chaine, depuis la « ressource » initiale (ici l’hectare consacré à la biomasse chaleur) jusqu’à l’usage final (ici la mobilité pour les biocarburants et la chaleur pour le chauffage). Cela dépasse largement les conventions d’ « énergie primaire » et d’ « énergie finale ».

 

Deuxième exemple : de l’éolien au méthane

 

L’application de la relation (1) aux 3 étapes du schéma 3  donne :

                        Phyd = Pél /h+ Q1

                        Pbiog= Phyd /h+ Q2 + K2CO2

                               PCH4 = Pbiog /h+ Q3

soit :    (3)       PCH4 =  Pél /h+ Q1 / (h2*h3)  + (Q2 + K2)/ h  + Q3

                       

Avec les valeurs de rendements adoptées ci-dessus, cela donne

                        PCH4 =  3,3 Pél  + 1,9 Q1   + 1,25 (Q2 + K2) + Q3

 

En première analyse, on admet que :

  • Pél  couvre uniquement les frais d’acheminement de l’électricité éolienne jusqu’aux électrolyseurs ; on admet 10 € par MWh, soit un peu moins de 3 /GJ.
  • Qest déduit du livre de Malbrunot et Bose sur l’hydrogène[18]. Pour une utilisation en continu d’un électrolyseur industriel, on y trouve Q = 7,1 $(2006)/GJ ; dans le cas médian présenté dans l’Annexe 2, la capacité installée d’électrolyseurs serait de 25 GW, consommant 21 TWh, et Q1 = 42 €/GJ
  • K2CO2est probablement de quelques /GJ de CH4, mais la quantité de CO2 rejeté dépend de la réaction d’équilibre de Sabatier (cf. Annexe 2)[19]
  • Les étapes 2 et 3 peuvent fonctionner en continu si l’hydrogène produit dans la première étape est stocké (ce qui implique qu’il soit comprimé). Par analogie avec les installations de reformage du gaz naturel pour produire de l’hydrogène, nous admettons moins de 3 €/GJ pour Q2et 1 €/GJ pour Q3 ; ces chiffres sont très incertains, mais en tout cas très faibles devant Q1.

Au total, PCH4sera proche de 95 €/GJ  alors qu’en Europe le prix du gaz naturel est inférieur à 15 €/GJ. En outre, le méthane produit doit être considéré comme une énergie fossile puisque le carbone contenu est celui qui, après avoir été capté,  est  réutilisé pour la réaction de Sabatier, au lieu d’être envoyé dans un stockage définitif. L’écart de prix entre la gaz naturel et le méthane de synthèse est tel que, quelles que soient les approximations que nous avons dû faire, cette voie paraît peu intéressante. Lorsqu’on abaisse le seuil au-dessus duquel on transforme l’électricité en hydrogène, on augmente évidemment plus rapidement l’énergie consommée que la puissance installée et le coefficient Q1diminue,  mais au fur et à mesure qu’on abaisse ce seuil, le coût de l’électricité consommée par les électrolyseurs augmente et ne peut plus être négligé.[20] A l’inverse, si on relevait le plafond très au-delà de 70 GW pour récupérer tous les pics de la production éolienne, le coefficient Q1 serait pratiquement doublé et, avec lui, le coût du CH4.

 

Conclusions

 

Le sous-titre du rapport Vecteurs de l’Académie des technologies  est « guide pérenne pour les choix énergétiques ». L’application de ce « guide » à l’insertion des énergies renouvelables dans un système énergétique complexe permet de bien identifier les facteurs principaux commandant cette insertion.

 

Plus précisément, on a pu voir sur deux exemples (les diverses utilisations de la biomasse et, en amont, les utilisations du sol ; l’insertion des électricités intermittentes dans un système énergétique global qui  dépasse le seul réseau électrique) qu’il est indispensable à chaque étape de la transformation d’une forme d’énergie dans une autre forme, de connaître les rendements énergétiques, les charges fixes par unité d’énergie, les besoins d’investissement, les émissions de CO2,  etc. Cela permet notamment d’évaluer le coût de l’énergie finale en fonction du coût de l’énergie primaire de départ, puis de choisir les voies les plus prometteuses.

 

On ajoutera enfin que toutes les formes d’énergie n’ont pas la même valeur économique, comme nous le montre depuis un siècle l’industrie du raffinage : à partir du pétrole brut on produit une gamme de produits allant en gros de la « calorie de mobilité » (essences, jet fuels) à la « calorie de chauffage » (fuels lourds). Le rapport des valeurs ex raffineries entre ces deux produits a varié entre deux et trois tout au court du siècle. On retiendra donc qu’une unité énergétique de carburant a une valeur économique double ou triple de la valeur d’une unité énergétique de chaleur. De même, une unité énergétique d’électricité a une valeur économique de l’ordre de trois fois celle d’une unité énergétique de chaleur.

 

Dans le cadre des études prospectives de la transition énergétique, compte tenu de l’importance d’une part des énergies renouvelables, d’autre part des différents besoins (chaleur pour l’habitat et le tertiaire, mobilité pour les transports, etc.) on recherchera particulièrement ces éléments pour les vecteurs réseaux de chaleur, biogaz et biocarburants.

Les incertitudes mises en évidence dans deux domaines clés, l’optimisation des utilisations de la biomasse et l’insertion des électricités intermittentes dans le système énergétique, illustrent tout le travail qui reste à faire.

 

 

Remerciements

 

Les points de vue exprimés dans cette étude n’engagent que son auteur. Je tiens cependant à remercier  pour leurs critiques et conseils judicieux MM. Cl. Acket, P.-R.Bauquis, J. Denègre, B. Durand, H. Flocard, H. Nifenecker, P. Mathis, J.P. Pervès  et G. Ruelle.

Annexe 1 – Statistiques énergétiques : éléments pour un débat[21]

 

L’article rappelle les principes de comptabilité énergétique retenus récemment (avril 2002) par l’Observatoire de l’énergie, sur proposition de son Conseil d’orientation, pour l’établissement du bilan énergétique de la France. L’objectif est de s’aligner sur les conventions des organismes internationaux, comme l’ont fait la plupart des pays, mais cela a suscité des réactions tendancieuses du type « comment manipuler les statistiques de l’énergie » (selon le titre d’un article d’un quotidien national). Il est espéré que ces rappels dépassionneront le débat en indiquant les enjeux qui sont essentiellement statistiques ou économiques et non pas politiques.

Bilan énergétique de la France

Chaque année, le Ministre chargé de l’énergie présente et commente le bilan énergétique de la France établi par l’Observatoire de l’énergie[22]. Il s’agit d’un rendez-vous attendu par tous les commentateurs de la politique énergétique française car il permet, grâce à un tableau de chiffres et aux commentaires qui l’accompagnent, de disposer d’une photographie de la situation énergétique, pour apprécier notamment :

·         la sécurité d’approvisionnement et l’indépendance énergétique,

·         les émissions de gaz à effet de serre,

·         l’efficacité énergétique de l’économie nationale,

·         divers indicateurs « européens », tels que la part d’énergies renouvelables utilisées pour la production d’électricité.

 

Certes, la finesse de cette photographie peut être insuffisante pour le spécialiste pointu des cycles combinés à gaz ou des transports urbains, mais un bilan énergétique est un outil incomparable pour le décideur politique. Tous les pays, si ce n’est les États-Unis, publient des bilans énergétiques nationaux et des organismes internationaux en établissent chaque année pour leurs pays membres, que ce soit l’Agence Internationale de l’Énergie, la Commission européenne ou l’ONU.

Plus que de disposer d’un état, pour une année donnée, des approvisionnements énergétiques et des consommations qui leur sont liées, les « énergéticiens » ont à cœur d’analyser les tendances que révèle l’évolution des bilans énergétiques au cours du temps.

La principale difficulté de compréhension d’un bilan énergétique réside dans le fait que toutes les énergies sont exprimées dans une même unité, la tonne d’équivalent pétrole dans la majorité des cas, mais parfois aussi le joule qui est l’unité énergétique du Système international d’unités. Cette pratique est inspirée de celle des instituts nationaux de statistiques pour construire les « Tableaux Entrées-Sorties » de la Comptabilité nationale  exprimés en monnaie courante ou constante, quel que soit le secteur d’activité. Cependant, l’unité monétaire n’est pas adaptée pour procéder à des analyses indépendantes des « effets prix ». Or quoi de commun entre un boulet de charbon, un baril de pétrole, une bouteille de gaz, une bûche de bois ou un kWh d’électricité ? Sans parler des différentes techniques de production (extraction du sol, conversion par une centrale électrique thermique, énergie éolienne, hydraulique, nucléaire, etc.), de transport (par réseau dans des lignes électriques, des oléoducs ou des gazoducs, par moyen individuel tel que bateau, camion, etc.), de distribution et de consommation.

Le bilan énergétique d’un pays se présente en deux parties : un « haut de bilan » qui rassemble les origines de l’approvisionnement énergétique national (production primaire, solde importateur, déstockage) et un « bas de bilan » qui détaille les différentes formes de consommation, par produit énergétique et par secteur d’activité (industrie, transports, etc.).

Les énergéticiens considèrent que le point commun à mettre en évidence par le choix de l’unité de compte énergétique est l’énergie qui peut être obtenue à partir du produit considéré, que ce soit le charbon, le pétrole, le gaz, l’électricité et diverses énergies renouvelables thermiques (bois, déchets, biogaz, biocarburants, etc.). Il est alors indispensable de définir au préalable la terminologie, en distinguant :

·         l’énergie primaire, qui est extraite du sol ou issue d’une centrale nucléaire ou hydraulique,

·         l’énergie secondaire, issue de la conversion sous une forme utilisable d’une énergie primaire, par exemple l’électricité d’origine thermique classique ou les produits pétroliers sortis de raffinerie,

·         l’énergie finale, qui est consommée dans un équipement ou une installation qui la « dégrade » définitivement, comme ampoule électrique, moteur d’automobile, chaudière, climatiseur, etc.

·         l’énergie utile, qui est réellement nécessaire pour le consommateur, (soit le produit de l’énergie finale disponible par le rendement de l’équipement).

 

Dans la cascade des transformations de l’énergie, l’énergie utile nécessaire est inférieure à l’énergie finale consommée qui est elle-même inférieure à l’énergie primaire employée. De même l’énergie secondaire produite à partir d’une énergie primaire est inférieure à celle-ci en raison du rendement de conversion (ainsi, pour une centrale électrique classique, le rendement de Carnot, cher aux « potaches », dépasse-t-il rarement 40%).

Lorsqu’on se pose la question de l’agrégation des formes d’énergie, le « coefficient d’équivalence » à utiliser est fortement tributaire du niveau d’énergie (primaire, secondaire, final, utile) auquel on se place. Une convention est donc nécessaire. Elle consiste, le plus souvent, à choisir entre « équivalence à la production » et « équivalence à la consommation » : plus précisément, pour l’électricité, 1 kWh obtenu à partir d’une prise de courant doit-il être comparé à la quantité de fioul qu’il a fallu pour le produire dans une centrale ou à la quantité de chaleur « contenue » qu’il peut dissiper par « effet Joule » dans une résistance électrique branchée à la prise ? Les deux principes sont légitimes et effectivement utilisés par les experts selon les objectifs qu’ils se fixent. Le premier est particulièrement adapté à une analyse en termes de substitution d’énergies primaires, alors que le second se prête mieux à des comparaisons entre secteurs d’activité pour évaluer leurs efforts en matière d’efficacité énergétique ou de substitution.

En vérité, il n’existe aucun système idéal parce que l’énergie est un phénomène physique et qu’une politique énergétique est un concept sociologique. Toutes deux sont riches d’interprétations et d’analyses, mais sur des registres différents. Étant au confluent d’enjeux techniques, économiques, politiques, environnementaux, sociaux, le bilan énergétique nécessite donc des précautions pour son usage. Sa présentation ne peut pas satisfaire complètement tous les analystes et des améliorations sont à coup sûr possibles. Mais, au moment où des engagements internationaux, tant sur l’énergie que sur l’environnement, sont de plus en plus recherchés pour favoriser le « développement durable », il convient que la méthode de calcul de ces évolutions soit harmonisée en Europe et dans le Monde. C’est l’orientation retenue lors de la dernière adaptation de la comptabilité énergétique. C’est aussi le sens du mandat qu’a reçu l’Observatoire de l’énergie de chercher à persuader les organisations internationales de faire évoluer la méthode commune, s’il est possible de l’améliorer.

Une évolution raisonnée et raisonnable

La méthodologie du bilan énergétique de la France a été pour l’essentiel constante depuis 1983, si ce n’est une révision opérée en 2000 sur les statistiques des énergies renouvelables comptabilisées désormais indépendamment de leur statut commercial (ex. bois « vendu au noir » ou ramassé).

Jusqu’en 2001, les coefficients d’équivalence énergétique utilisés en France étaient ceux adoptés en 1983 par l’Observatoire de l’Énergie. En session du 14 février 2002, le Conseil d’Orientation de l’Observatoire de l’Énergie a résolu d’adopter, dès la publication du bilan énergétique portant sur 2001, la méthode commune aux organisations internationales concernées (Agence Internationale de l’Énergie, Commission européenne, ONU et Conseil Mondial de l’Énergie), d’une part pour le coefficient de conversion de l’électricité, de kWh en tonne d’équivalent pétrole (tep), d’autre part pour les soutes maritimes internationales. S’agissant de ces dernières, le bilan énergétique les exclut à la fois des ressources et des emplois, alors qu’elles étaient auparavant incluses dans la consommation des transports. Pour les coefficients d’équivalence entre unité propre et tep, le tableau ci-après précise les nouvelles valeurs, celles des énergies autres que l’électricité n’ayant pas été modifiées. Ces coefficients sont destinés à être systématiquement utilisés, notamment dans les publications officielles françaises.

 

Énergie

Unité physique

en gigajoules (GJ) (PCI)

en tep
(PCI)

Charbon

     

Houille

1 t

26

26/42 = 0,619

Coke de houille

1 t

28

28/42 = 0,667

Agglomérés et briquettes de lignite

1 t

32

32/42 = 0,762

Lignite et produits de récupération

1 t

17

17/42 = 0,405

Pétrole brut et produits pétroliers

     

Pétrole brut, gazole/fioul domestique, produits à usages non énergétiques

1 t

42

1

GPL

1 t

46

46/42 = 1,095

Essence moteur et carburéacteur

1 t

44

44/42 = 1,048

Fioul lourd

1 t

40

40/42 = 0,952

Coke de pétrole

1 t

32

32/42 = 0,762

Électricité

     

Production d’origine nucléaire

1 MWh

3,6

0,086/0,33 = 0,260606…

Production d’origine géothermique

1 MWh

3,6

0,086/0,10 = 0,86

Autres types de production, échanges avec l’étranger, consommation

1 MWh

3,6

3,6/42 = 0,086

Bois

1 stère

6,17

6,17/42 = 0,147

Gaz naturel et industriel

1 MWh PCS

3,24

3,24/42 = 0,077

 

Pour mémoire, l’ancienne méthode était strictement celle de « l’équivalent primaire à la production » : quel que soit l’emploi ou l’origine de l’énergie électrique, un coefficient unique était utilisé, égal à 0,222 tep/MWh depuis 1972 (auparavant, il était de 0,4 tec/MWh, soit 0,27 tep/MWh) ; autrement dit, l’électricité était comptabilisée dans les bilans de l’Observatoire de l’énergie, à tous les niveaux (production, échanges avec l’étranger, consommation), avec l’équivalence 0,222 tep/MWh, c’est-à-dire comme la quantité de pétrole qui serait nécessaire pour produire cette énergie électrique dans une centrale thermique classique théorique de rendement égal à 0,086/0,222 = 38,7% (contre 31,9% avant 1972).

Par contre, la nouvelle méthode conduit à distinguer trois cas :

1.      l’électricité produite par une centrale nucléaire est comptabilisée selon la méthode de l’équivalent primaire à la production, avec un rendement théorique de conversion des installations égal à 33% ; le coefficient de substitution est donc 0,086/0,33 = 0,260606… tep/MWh ;

2.      l’électricité produite par une centrale à géothermie est aussi comptabilisée selon la méthode de l’équivalent primaire à la production, mais avec un rendement théorique de conversion des installations égal à 10% ; le coefficient de substitution est donc 0,086/0,10 = 0,86 tep/MWh ;

3.      toutes les autres formes d’électricité (production par une centrale thermique classique, hydraulique, éolienne, marémotrice, photovoltaïque, etc., échanges avec l’étranger, consommation) sont comptabilisées selon la méthode du « contenu énergétique à la consommation », avec le coefficient 0,086 tep/MWh.

 

L’influence de la modification introduite peut être constatée sur la consommation primaire et sur la consommation finale de la France, par exemple pour 2001, année la plus récente dont les données sont disponibles.

Consommation d'énergie primaire en 2001 (corrigée du climat)

Nouvelle méthode

Mtep

%

 

Ancienne méthode

Mtep

%

Charbon

11,9

4,4

 

Charbon

11,9

4,6

Pétrole

96,5

35,9

 

Pétrole

99,0

38,5

Gaz

37,2

13,8

 

Gaz

37,2

14,5

Nucléaire (*)

104,4

38,8

 

Nucléaire (*)

79,1

30,8

Hydraulique, éolien, photov.

6,8

2,5

 

Hydraulique, éolien, photov.

17,7

6,9

Autres énergies renouvelables

12,2

4,5

 

Autres énergies renouvelables

12,2

4,7

Total

269,0

100,0

 

Total

257,1

100,0

(*) Pour donner un ordre de grandeur, la consommation d'électricité nucléaire ici considérée est égale à la production d'électricité nucléaire diminuée du solde exportateur total d'électricité et augmentée d'une correction climatique.

Consommation d'énergie finale en 2001 (corrigée du climat)

Nouvelle méthode

Mtep

%

 

Ancienne méthode

Mtep

%

Charbon

6,8

3,9

 

Charbon

6,8

2,9

Pétrole

89,9

51,3

 

Pétrole

92,4

39,8

Gaz

33,4

19,0

 

Gaz

33,3

14,4

Électricité

34,4

19,6

 

Électricité

88,9

38,3

Énergies renouvelables thermiques

10,7

6,1

 

Énergies renouvelables thermiques

10,7

4,6

Total

175,1

100,0

 

Total

232,1

100,0

dont non énergétique

16,6

9,5

 

dont non énergétique

16,7

7,2

 

En définitive, le choix adopté, sur recommandation du Conseil d’orientation de l’Observatoire de l’énergie, n’est sûrement pas le meilleur ; il a comme seule vertu d’être celui adopté par le plus grand nombre de pays et d’organismes internationaux.

 

 

 

 

Annexe 2 – Méthanation et CO2

 

Un bilan global de la méthanation

La méthanation consiste à produire du méthane à partir d’hydrogène et de CO2.

On suppose que l’hydrogène est produit par électrolyse avec de l’électricité non carbonée, donc sans rejet de CO2 à l’atmosphère.

Le CO2 nécessaire à la réaction de méthanation (réaction d’équilibre de Sabatier) provient de la capture (avec compression et entreposage) du carbone (Cf) contenu dans une énergie fossile (charbon, pétrole ou gaz naturel).

Les différentes étapes de la méthanation sont résumées dans le tableau suivant :

 

Réactions

   Bilan énergie

Bilan Cf

 Cf + O2 =  Cf O2

Capture Compression et entreposage

------------------------------------------------

Cf O2 + 4H2 ↔  Cf H4 + 2H2O (Sabatier)

 

Purification et compression  Cf H4

    + E1

    - αE1

---------------------      

      - E2

 

          - E3

* 100 % Cf O2

* 15 % CfO2 à l’atmosphère

------------------------------------------------

 * (1 –x) % Cf Orestant transformé en Cf H4

* x% Cf Orestant à l’atmosphère

Bilan d’ensemble

 

(1 – α)E1 – E2 – E3

        (15 + x) % à l’atmosphère

 

L’opération de méthanation transfère une partie du  carbone d’origine fossile de l’énergie fossile de départ vers un méthane « pseudo-fossile », l’autre partie étant rejetée directement à l’atmosphère sous forme de CO2. Lorsque ce méthane sera utilisé, il relâchera dans l’atmosphère le reste.

Ces différentes opérations ne se font pas sans pertes d’énergie et de CO2 :

·         En énergie : α est de l’ordre de 25 %, E2 est d’environ 20 % de l’énergie contenue dans l’hydrogène, E3 est d’environ 10 % de l’énergie contenue dans le méthane.

·         Le rendement énergétique global de la production de méthane purifié à partir du gaz carbonique produit par la centrale est donc de l’ordre de 55 % Le rendement énergétique de la production d’hydrogène comprimé par électrolyse à partir d’électricité non carbonée d’intensité constante varie entre 50 et 70 % selon les procédés. En prenant 70 %, on obtient un rendement global de la méthanation de l’ordre de 38 %,  mais seulement 27 % si la source d’électricité est d’intensité variable. Si le méthane est utilisé pour produire à nouveau de l’électricité, dans une centrale à cycle combiné de rendement moyen 50 %, le rendement du cycle complet sera donc de l’ordre de 13  à  19 %.  

·         En Cf O2, 15 % environ ( ± 5 %) ne sont pas captés, x % contenus dans le mélange de la réaction d’équilibre de méthanation, qui contient encore du CO2, sont rejetés à l’atmosphère lors de la purification du méthane. Au total, ce sont (15 + x) % du carbone fossile qui est rejeté à l’atmosphère sous forme de CO2, le reste étant transformé en méthane.

·         x varie selon la température de réaction et le catalyseur utilisé entre x1 et x2

Lorsque ce méthane sera consommé, c’est la totalité du carbone fossile initial qui aura été rejeté à l’atmosphère.

 

Comment répartir les responsabilités entre CCS du CO2 et opérations de méthanation ?

La méthode la plus simple  semble être de scinder l’ensemble du procédé en deux phases distinctes :

§  En amont, l’utilisation de la ressource fossile, au cours de laquelle tout le carbone est transformé en CO2, celui-ci étant capté (en gros à 85 %), comprimé et entreposé ou stocké de façon définitive. La consommation d’énergie pour le CCS et les pertes de CO2  lui sont affectées.

§  En aval, le CO2 entreposé est récupéré pour les opérations de méthanation : réaction de Sabatier, suivie d’une purification du mélange gazeux. Le CO2 séparé est rejeté à l’atmosphère. L’énergie nécessaire et les rejets de CO2  correspondants lui sont affectées.

Lorsque le méthane sera utilisé, le CO2 produit sera soit rejeté à l’atmosphère (chauffage), soit éventuellement capté (production d’électricité). Le méthane produit peut donc être considéré comme une énergie fossile dont le gisement carbone est le COproduit et capté dans des installations situées en amont.

 

 

Annexe 3 – électricité intermittente et production d’hydrogène 

 

On résume dans cette annexe la démarche suivie par H. Flocard et J.P. Pervès dans leur analyse de l’éolien en Europe.

 

Le point de départ est le retour d’expérience de la production d’électricité éolienne, heure par heure, du 1er septembre 2010 au 31 mars 2011 (soit 5100 heures) dans les 7 pays principaux producteurs pour une puissance installée totale de 65 GW. A partir de ces données, on extrapole à la puissance installée projetée par ces 7 pays en 2030, soit 187 GW produisant, sur cette période de 5100 heures, 200 TWh. Cela correspond à une puissance  moyenne fournie par ce parc d’éoliennes de 40 GW, soit 21 % de la puissance installée ; compte tenu du foisonnement entre les différentes régions, la puissance minimum est de 8 GW et la puissance maximum de 115 GW.

 

alt

 

Source : Hubert Flocard – Jean-Pierre Pervès – op. cité

                

Les principales hypothèses sont les suivantes :

·         La production éolienne est déversée sur le réseau électrique jusqu’à un certain seuil S1,

·         Entre ce seuil et un seuil S2 l’électricité éolienne est envoyée vers des électrolyseurs 

·         Au dessus de S2, la production est refusée.

Dans l’exemple traité, S1 est pris égal à 45 GW et S2 à 70 GW ; la limite S1 est choisie pour limiter le besoin de moyens de compensation des variations de puissance (TAC par exemple), et le seuil S2 pour limiter les investissements en électrolyseurs. La perte au dessus de S2 ne concerne que quelques dizaines d’heures sur la période considérée et ne représente que 1 à 2 % de la production éolienne totale.

 

On peut, à partir de ces hypothèses, bâtir le tableau suivant qui donne les heures équivalent pleine puissance (hepp)  d’utilisation des électrolyseurs. Pour évaluer la sensibilité aux hypothèses, nous avons pris 3 valeurs pour S1 : 35, 45 et 55 GW.

 

 

 

S1 (GW)

35

45

55

Capacité électrolyseurs (GW)

35

25

15

Energie fournie aux électrolyseurs (TWh)

40

21

10

hepp électrolyseurs

(% du temps à pleine puissance)

1150

(22,5)

840

(16,5)

670

(13)

Charge fixe Q1 électrolyseurs ($/GJ)

28

42

49

 

 

Le temps de fonctionnement des électrolyseurs va de 22,5 % à 13 % en fonction de la capacité installée. Pour évaluer les charges fixes, on part du chiffre donné dans le rapport de l’AFH2[23] pour une installation ayant une capacité de 2,8 millions Nm3/jour, supposée fonctionner 90 % du temps : 7,1 $ (2006)/GJ.

 

On notera qu’une capacité de 2,8 millions Nm3 correspond à 400 t, ou encore 13 GWh d’hydrogène. Pour produire cette quantité, avec un rendement de 70 % (compte tenu de la nécessité de comprimer l’hydrogène pour pouvoir le stocker et le transporter, il faut 18,5 GWh d’électricité, soit une puissance de 0,75 GW. Il faudrait donc une trentaine  d’électrolyseurs de cette capacité dans l’hypothèse médiane[24].

 

On admet, avec les auteurs de cette étude, que le nombre d’électrolyseurs mis en service à un instant donné est fonction de la puissance électrique disponible, chacun fonctionnant alors à son régime nominal. Un tel choix conduit aussi à répartir les électrolyseurs sur le territoire afin de les rapprocher es lieux de production. Cette hypothèse est probablement optimiste.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] « Vecteurs d’énergie – guide pérenne pour les choix énergétiques » - Rapport de l’Académie des technologies (novembre 2011)

[2] Cette note étant probablement introuvable aujourd’hui, nous la reproduisons intégralement en annexe 1.

[3] Extrait de « Chiffres clés de l’énergie  - édition 2011 » - Commissariat général au développement durable

[4] cf. « La biomasse, une énergie d’avenir ?» - Hervé Bichat et Paul Mathis  - éditions Quae (2012)

[5] 16 à 17 provenant de l’exploitation des forêts et  22 à 23 provenant de cultures dédiées.

[6] Ce procédé est un des procédés de 2ème génération envisagés mais pas encore développés. Les procédés de méthanisation par fermentation, utilisés en Allemagne à partir de maïs, présentent l’inconvénient, comme la plupart des procédés de 1ère génération, d’entrer en compétition avec les usages alimentaires. La valorisation des déchets agricoles et agro-alimentaires est limitée au niveau la ressource (environ 1 Mtep en France selon Mathis).

[7]Une donnée de base à retenir est qu’en moyenne la biomasse déshydratée des plantes  (ligneuses ou feuillues) contient 6 %  en masse d’hydrogène  alors qu’il en faut plus de 12 % pour avoir des biocarburants liquides et 25 % pour avoir du méthane : en conséquence, tout processus de production d’hydrocarbures à partir de biomasse, en l’absence d’apport extérieur d’hydrogène,  rejettera à l’atmosphère de 50 à 75 % de son contenu en carbone.

[8] Ceci correspond à un rendement de 40 % de l’énergie entrante (22,5 Mtep de biomasse + 7,5 Mtep d’électricité

[9] Dans une étude détaillée, il faudrait tenir compte également de la valeur énergétique des coproduits. Quoi qu’il en soit, la production de biocarburants serait bien en dessous des déclarations parfois optimistes de certains experts

[10] F. Livet – « Le problème de l’intermittence des renouvelables : éolien et solaire » - www.sauvonsleclimat.org (octobre 2011)

H. Flocard et J.P. Pervès « Intermittence et foisonnement de l’électricité éolienne en Europe de l’ouest : Quelles compensations espérer entre pays ? Qu’attendre du stockage de l’électricité intermittente sous forme d’hydrogène ? » www.sauvonsleclimat.org  (mars 2012)

[11] On cite fréquemment un rendement de 70 % pour l’électrolyse avec compression de l’hydrogène, mais cela suppose un électrolyseur alimenté en courant continu d’intensité constante.

[12] Cf. Annexe 2

[13] Cette part des productions éoliennes observées dans les 7 principaux pays « éoliens » en Europe du 1er septembre 2010 au 31 Mars 2011 et extrapole aux objectifs de ces mêmes pays pour 2030. Cf. Annexe 3

[14] Ce secteur pourrait également intégrer le gaz naturel comme énergie primaire, le GNL et le biogaz liquéfié comme énergie finale, si cette voie était mise en œuvre.

[15] K.CO2 est alors considéré comme nul.

[16] En admettant que la combustion d’une tep de pétrole libère environ 3,3 tonnes de CO2 et d’une tep de méthane environ 2,5 tonnes de CO2

[17] Un calcul analogue peut être fait en introduisant l’électricité comme source extérieure de chaleur.

[18] Pierre Malbrunot & Tapan Bose – « L’hydrogène pour relever le défi énergétique du XXIè siècle » - AFH2 (2006)

[19] En toute rigueur, il faudrait pénaliser le méthane produit des rejets de CO2 accompagnant sa production.

[20] Supposons que la capacité des électrolyseurs soit égale à celle des éoliennes et que100 % de l’électricité éolienne (200 TWh) serve à l’électrolyse,Q1 tombe à 25 $(2006)/GJ, soit environ 20 €/GJ ; mais il faut alors prendre le prix complet de l’électricité éolienne (80 €/MWh, soit 22 €/MWh. Au total, on obtient un méthane encore hors de prix (plus de 100 €/GJ), et aucun apport au réseau électrique.

[21] Nous reproduisons de larges extraits de l’article publié par la DGEMP en février 2003 pour expliquer et commenter les nouvelles  règles appliquées à compter de 2002 pour mesurer les différentes énergies. Cet article a été rédigé par Dominique Maillard, Directeur général de l’énergie et des matières premières, au Ministère de l’Économie, des Finances et de l’industrie, et Richard Lavergne, Secrétaire général de l’Observatoire de l’énergie, au sein de la Direction générale de l’énergie et des matières premières.

[22] L’Observatoire de l’énergie, créé par arrêté interministériel du 29 juin 1982, comprend un Secrétariat général, rattaché à la Direction générale de l’énergie et des matières premières, et un Conseil d’orientation formé de 35 membres et présidé par le Ministre chargé de l’énergie.

[23] Pierre Malbrunot et Tapan Bose – op. cité

[24] Si, au lieu d’électrolyseurs industriels de forte capacité, on disposait de petits catalyseurs installés au plus près des éoliennes, cela ne changerait rien au fait que ces électrolyseurs ne seraient utilisés qu’une faible fraction du temps. Bien au contraire, ils ne bénéficieraient pas de la mutualisation de la production. Pour qu’une telle solution devienne rentable, il faudrait que ces électrolyseurs soient très bon marché et nécessitent peu d’entretien.

ETUDES SCIENTIFIQUES

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