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Point de vue : Le scandale des parcs éoliens de 18 MW et 6 mâts maximum

  • Publié le 15 octobre 2020
Georges SAPY

Le scandale des parcs éoliens de 18 MW et 6 mâts maximum

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Georges SAPY, le 12 octobre 2020

Un privilège exorbitant accordé aux parcs éoliens de 18 MW et 6 mâts maximum 

Lorrs de la mise en œuvre du nouveau système de rémunération de l’éolien et du photovoltaïque dit du « complément de rémunération » qui introduisait la mise en concurrence des promoteurs, la ministre de la transition écologique de l’époque a publié le 6 mai 2017 un arrêté permettant aux parcs éoliens de 18 MW et 6 mâts maximum de continuer, au choix de leur promoteur, à être rémunérés par dérogation selon le mode dit de « l’obligation d’achat » encore appelé « tarif garanti » échappant à toute concurrence et donnant lieu à une rémunération plus élevée. On notera que le photovoltaïque n’a pas bénéficié d’un tel privilège, seules les petites installations de puissance inférieure à 0,1 MW ayant logiquement continué à bénéficier du « tarif garanti ». Ce privilège exorbitant du droit commun accordé à l’éolien n’a jamais été justifié par les pouvoirs publics. Il paraît en outre très inhabituel qu’un gouvernement donne à des promoteurs le choix de la façon dont ils seront rémunérés pour rendre un même service.

En outre, cet arrêté a non seulement permis à des promoteurs de continuer à bénéficier d’un « tarif garanti » plus avantageux sans aucune contrepartie, mais il a donné lieu à des détournements de la procédure d’appels d’offres associée au « complément de rémunération » via le « fractionnement » de grands parcs éoliens pour isoler des sous-ensembles bénéficiant de la dérogation, comme il ressort de la délibération ci-dessous de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

Aggravé par une fraude tardivement « découverte » par la CRE…

Dans sa DÉLIBÉRATION N°2020-031 du 13 février 2020, la CRE écrit en effet :

« Lors de l’instruction de la 5ème période, la CRE a pu observer un contournement de la procédure d’appel d’offres. En effet, certains porteurs de projet développent une partie de leurs parcs au travers du guichet ouvert qui ouvre droit, dans la limite actuelle de 6 mâts, à un soutien de l’ordre de 72 à 74 €/MWh et candidatent à l’appel d’offres pour le reste de leurs parcs.

Ainsi, le producteur bénéficie d’un tarif supérieur à son coût complet de production pour la partie de son parc relevant du guichet ouvert. Pour la partie restante de son parc, il peut alors participer à l’appel d’offres en proposant un prix qui permet d’être désigné lauréat, tout en s’assurant que le niveau de soutien pondéré sur l’intégralité du parc reste supérieur à son coût complet de production. Cette marge supplémentaire constitue un effet d’aubaine et engendre des charges de service public indues.

En outre, ce comportement peut avoir pour effet d’évincer les projets ne pas faisant pas l’objet d’un fractionnement et qui, pour certains d’entre eux, auraient eu un impact budgétaire moindre pour une contribution identique à l’atteinte des objectifs de politique énergétique ».

Le diagnostic est on ne peut plus clair, mais il est étonnant qu’il ait fallu attendre deux ans et demi et la 5ème période d’appels d’offres pour que la CRE « découvre » enfin ce qu’elle qualifie pudiquement de « contournement de la procédure d’appel d’offres » alors qu’il s’agit en réalité d’un détournement frauduleux de charges de service public. De plus, sa mansuétude interroge : certes, elle recommande des modifications pertinentes du cahier des charges des appels d’offres afin d’empêcher ces fraudes à l’avenir mais propose d’appliquer une pénalité contractuelle de seulement 10 €/MWh aux promoteurs fraudeurs, en réalité dérisoire.

Qui peut rapporter gros aux promoteurs fraudeurs

En effet, une pénalité aussi faible n’en est pas une : déduire 10 €/MWh d’un « tarif garanti » de 72 à 74 €/MWh ramène la rémunération réelle entre 62 et 64 €/MWh. Soit très près des prix moyens pondérés des projets rémunérés au « complément de rémunération » qui se situent, pour les 5 périodes d’appels d’offres, entre environ 67 €/MWh pour le premier et 62 €/MWh pour le dernier, la moyenne étant de moins de 65 €/MWh. Soit une pénalité réelle de quelques €/MWh qui n’a aucun caractère dissuasif.

Sur la base de ces chiffres, une rémunération indue au « tarif garanti » procure donc en moyenne un surplus de rémunération de l’ordre de 8 €/MWh. Ce qui, dans un contrat de 20 ans, se traduit au total par environ 6 millions d’euros supplémentaires empochés indûment et sans risque par le promoteur, déjà grassement subventionné par les consommateurs-contribuables !

Cependant, les promoteurs honnêtes n’ont pas non plus de raison de continuer à être surpayés via un « tarif garanti » trop généreux, qui se justifie d’autant moins actuellement que les technologies sont devenues matures.

Et appelle une modification règlementaire urgente

Face à ce qu’il faut bien appeler un scandale qui n’a que trop duré, il est devenu urgent que les pouvoirs publics réagissent. En modifiant le cahier des charges des appels d’offres comme recommandé par la CRE. Mais surtout en abrogeant l’arrêté du 6 mai 2017 afin de supprimer le privilège exorbitant jamais justifié dont bénéficient les parcs éoliens de 18 MW et 6 mâts, ce qui imposerait enfin à tous les promoteurs éoliens la règle commune du « complément de rémunération » qui implique une mise en concurrence, qui fait baisser les prix de l’électricité produite et transfère certains risques aux promoteurs. Ce qui supprimerait au passage tout risque de fraude.

C’est d’autant plus urgent qu’il serait incompréhensible de laisser un tel secteur qui vit de subventions massives continuer à faire des bénéfices exorbitants à deux chiffres alors que la pandémie détruit des pans entiers de l’économie et met des milliers d’entreprises dans le pays en très grandes difficultés.

 

 

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