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Les arguments des avocats d’un développement accéléré des ENR intermittentes

  • Publié le 25 juin 2022
Pierre AUDIGIER

Les arguments des avocats d’un développement accéléré des ENR intermittentes :
toute erreur est fondée sur quelque vérité dont on abuse.

Emmanuel Macron s’est prononcé le 10 février 2022 pour une relance du nucléaire qui devrait être le socle du mix électrique du pays. Mais, en même temps, il se dit partisan d’un ambitieux programme de développement des énergies renouvelables, en fait des énergies intermittentes que sont le solaire et l’éolien puisque, dans notre pays, les perspectives de développement de l’hydraulique sont limitées.

Sauvons le Climat, PNC-France, Cérémé et d’autres ont plaidé, chacun à sa manière, pour que la France (i) s’affranchisse de la contrainte des 50 % de nucléaire dans le mix électrique et du plafond de 63 GW de puissance installée et (ii) affiche une relance du nucléaire plus ambitieuse que celle proposée par le Président. Le programme du Président risque en effet de conduire à un recours aux centrales à gaz ou à des importations massives d’électricité fortement carbonée, incompatibles avec les engagements du pays en matière de réduction des gaz à effet de serre.

Sauvons le Climat a récemment publié quatre études faisant le point sur les avantages du nucléaire. La présente note traite de la solution prônée par les partisans d’un développement accéléré des ENR intermittentes ; nous y reprenons leurs arguments, après avoir rappelé le grain de vérité à l’origine de chacun de ces arguments car, comme le disait Bossuet, toute erreur est fondée sur quelque vérité dont on abuse.

 

Le grain de vérité des arguments des partisans d’un développement accéléré des ENR intermittentes.

 

Ces arguments visent les uns à critiquer le nucléaire, les autres à exalter les vertus du solaire et de l’éolien.

 

Oui, le nucléaire est potentiellement dangereux.

Mais il faut distinguer le danger - le nucléaire est effectivement dangereux comme la plupart des activités industrielles - et le risque. Le risque est le résultat de l'ampleur du danger, de sa probabilité d'occurrence et du niveau de maîtrise issu des parades mises en place. C’est justement la responsabilité de l’exploitant nucléaire et le rôle de l’ASN, une autorité indépendante chargée de réduire le risque. On ajoutera ici que l’argument des opposants au nucléaire est d’exiger le risque zéro ; ce qui, en tout état de cause, est impossible à démontrer : on ne peut pas démontrer que quelque chose n’existe pas. C’est le moment de rappeler que les quelque 20 000 morts de Fukushima sont dus à un tsunami dévastateur et non à l‘accident de la centrale.

 

Oui, le stockage des déchets nucléaires est une question délicate et essentielle. C’est tout particulièrement le cas pour les déchets HAVL (Haute Activité à Vie Longue).

Mais il est faux d’affirmer que le stockage de ces déchets n’a pas de solution. Le projet CIGEO entre dans sa phase finale. La Finlande se prépare à enfouir ses déchets HAVL dans une structure géologique tandis que la Suède vient d’autoriser la construction d’un tel stockage. Certes, la transmutation de ces déchets en déchets à vie plus courte offre une piste de recherche intéressante ; mais, pour l’instant, il est impossible de savoir si et quand cette technologie sera mature.

 

Oui, les errements sans fin du chantier de Flamanville peuvent nourrir le scepticisme quant à l’avenir du nucléaire.

Mais les responsables du nouvel EPR (EPR2) ont pu tirer les enseignements de ces errements - tant techniques que managériaux. Ce qui conduit le président d’EDF à proposer les 6 EPR annoncés par le président pour 50 Mrds €, soit de l’ordre de 70 €/MWh avec un taux d’intérêt de 4 %. Taux d’intérêt du même ordre de grandeur que celui consenti par Rosatom aux Hongrois pour deux PWR de 1 200 MW chacun et sans que la Commission Européenne n’y ait rien trouvé à redire.

 

Oui, les coûts des énergies solaire et éolienne ont considérablement diminué au cours de ces dernières années et, à la sortie du parc de production, se comparent favorablement à celui du nucléaire.

Mais comparer le coût du kWh au pied d’une éolienne ou à la sortie d’un panneau solaire avec celui du nucléaire, c’est comparer la valeur économique d’un kWh disponible quand la météo le permet et celle du KWh disponible quand le consommateur en a besoin. C’est aussi comparer une énergie diffuse avec une énergie très concentrée. Ce n’est pas la même chose.

Quant à l’éolien en mer, il coûte très cher car les côtes françaises sont, pour ce faire, beaucoup moins favorables que celles de la mer du Nord où les fonds marins sont beaucoup moins profonds.

Par ailleurs les sources intermittentes nécessitent des investissements complémentaires très coûteux. On ne citera ici que les principaux : coût de réseau car la production est disséminée sur tout le territoire, coût du back up c’est-à-dire des sources pilotables indispensables pour assurer la sécurité d’approvisionnement en cas d’absence de vent et de soleil, consommation de matériaux rares etc. Sans oublier la consommation d’espace : avec le solaire il faut de l’ordre de 100 fois l’espace du nucléaire pour produire en fin d’année la même quantité d’électricité.

 

Oui, le recours à l’hydrogène permettrait de stocker l’électricité produite par les sources renouvelables.

Mais le rendement global allant de l’énergie primaire (vent ou soleil) à l’hydrogène stocké est faible, et se révèle, lui aussi très gourmand en matériaux et en espace - en plus des éoliennes et du photovoltaïque - si l’on veut pouvoir stocker des quantités significatives d’énergie. Il faudrait déjà démontrer que la production d’hydrogène pourrait être intermittente, augmentant ainsi le coût de l’hydrogène produit.

 

Oui, le développement du solaire et de l’éolien créent des emplois.

Mais ces emplois concernent pour l’essentiel le montage et un peu la maintenance. Les équipements sont, sauf quelques exceptions, importés, notamment de l’Allemagne, du Danemark ou de Chine. Certes on peut toujours développer une filière française, mais c’est ignorer que les places sont déjà prises et les coûts de main d'œuvre ne permettent malheureusement pas d'espérer une quelconque compétitivité face aux Chinois qui monopolisent déjà le marché.

 

Oui, nous dépendons des importations pour notre approvisionnement en uranium. EDF importe 8 000 t d’uranium chaque année.

Mais, au prix actuel, ce métal représente moins de 1 % d’un prix de marché de l’électricité qui, d’après certains experts et pour le nouveau nucléaire, devrait se stabiliser autour de 70 €/MWh. De plus les ressources sont abondantes et géographiquement bien diversifiées. Enfin les stocks représentent 8 années de fonctionnement du parc, sans compter l’uranium appauvri qui peut être réenrichi au niveau requis.  

 

Oui, les réacteurs du parc actuel vieillissent et leur rénovation (« le grand carénage ») coûte cher.

Mais, à l’exception de la cuve, les composants peuvent être remplacés si nécessaire et l’enceinte de confinement peut, le cas échéant, être réparée. De plus des améliorations substantielles de leur sûreté sont introduites au passage des 40 ans, ce qui n’est pas le cas ailleurs dans le monde. La NRC américaine a autorisé la plupart des réacteurs de même génération que celle du parc français à fonctionner 60 ans et certaines à 80 ans.

Le coût de telles opérations est effectivement élevé mais il doit être mis en parallèle avec le nombre et le coût des MWh supplémentaires qu’il va permettre de produire en toute sûreté. Evalué à 55 Mds € pour ajouter 10 à 20 ans de vie aux 55 réacteurs du parc totalisant 55 GW de puissance, soit 1 Md par réacteur d’un GW fonctionnant 7 000 heures/an, ce grand carénage représente un surcoût du MWh de quelques euros.

 

Oui, la déconstruction va coûter cher, elle aussi.

Mais l’industrie française a déjà démantelé plusieurs réacteurs. Aux États-Unis, le PWR de Maine Yankee - de même facture que les premiers réacteurs du parc français - a été démantelé en 8 ans pour un coût de 500 m$. Le réacteur à eau pressurisée de la centrale de Chooz dans les Ardennes est en cours de déconstruction totale, actant du savoir-faire français. Conformément à la loi française, les dépenses de démantèlement ont déjà été provisionnées et rassemblées dans des « actifs dédiés » d’ores et déjà disponibles.

 

Oui, le nucléaire est complémentaire des sources intermittentes.

Mais, avec la croissance des ENRi dans le mix électrique, le nucléaire devrait être de plus en plus amené à moduler sa production de manière flexible à des moments où la demande est faible et la production solaire ou éolienne forte. Si le marché permet ainsi à la collectivité d’optimiser l’utilisation d’un mix diversifié, c’est bien l’investisseur qui porte ici seul le risque. À noter que ce risque est très peu compensé par les mécanismes de capacité mais que l’interconnexion des réseaux européens minimise fortement les périodes de modulation, grâce au coût de production, très compétitif du nucléaire.

 

Oui, l’énergie solaire est gratuite comme nous le rappelait encore récemment EDF dans une publicité en faveur des ENR.

Mais elle est gratuite comme peuvent l’être le pétrole ou le gaz qui nous sont donnés par la nature mais qu’il faut aller chercher là où ils se trouvent...avant de payer une redevance au pays détenteur des gisements. La gratuité n’a de sens que si elle ne nécessite pas d’énormes investissements pour en bénéficier.

 

Oui, les panaches émanant des tours de refroidissement impressionnent.

Mais 70% des Français pensent que ce sont des fumées radioactives et émettrices de CO2. Or ce n’est que de la vapeur d’eau condensée. Chacun peut consulter le réseau Téléray, géré par l’IRSN, de surveillance de la radioactivité ambiante.

 

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Certes la relance du nucléaire devrait être plus ambitieuse que celle proposée par le Président mais je ne vois pas comment nous pourrions disposer de nouvelles unités dans des délais compatibles avec nos ambitions d’augmentation rapide d’une souveraineté énergétique moins carbonée.
Nous savons bien qu’en l’état actuel de l’industrie française et de la filière nucléaire nous ne sommes pas capables de disposer rapidement de nouvelles unités nucléaires de type EPR2 ou SMR. Au mieux, en alignant toutes les planètes, il sera difficile de disposer du premier réacteur neuf avant 2035. Or les planètes ne sont pas encore alignées si j’en croit l’ASN qui, si elle dit apprécier l’effort de la filière industrielle nucléaire pour se mettre en ordre de marche, trouve la démarche entreprise encore insuffisante.
Il faut donc bien en passer par plus d’éolien maritime et de photovoltaïque qui peuvent être mis en exploitation dans des délais beaucoup plus rapides.
Autre commentaire :

EDF évalue à 50 - 55 Mds € le coût du « grand carénage » qui doit permettre de prolonger de 10 à 20 ans de vie des 56 réacteurs du parc dont la puissance totalise 61,4 GW de puissance, sur la base d’un fonctionnement ultérieur moyen espéré de 7 000 heures/an ( ce qui correspond à un coefficient de production (kp) de 80%, ce grand carénage représente un surcoût unitaire de 13 euros par MWhe (55 / 61,4 x 7000 x 10) dans l’hypothèse d’un prolongement de 10 ans. Ce qui porterait le coût de leur production à quelque 60 euros/MWhe.
A noter que 7 unités de 900 MW ont déjà obtenu leur sésame de prolongation de durée de fonctionnement de dix ans, à la suite des travaux réalisés pendant leur 4ème visite générale décennale, dont ceux de « grand carénage » et des contrôles des organismes de sûreté.
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