Hervé Nifenecker et Jean Poitou
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Hervé Nifenecker et Jean Poitou

 Un café de commerce, quelque part en France…
Pierre, Dominique et Jacques sont au bar. Antoine, tout excité entre dans le café et se joint au groupe.

ANTOINE – Vous avez vu ce scandale, on nous cache que la catastrophe nucléaire est imminente chez nous ! Ah, heureusement que des journalistes ont le courage de se renseigner et de tirer la sonnette d’alarme.

PIERRE -  De quoi veux-tu parler ?

ANTOINE – Comment tu ne lis pas les journaux ? Tout le monde en parle. Nos réacteurs sont pleins de fissures. Et La catastrophe de Fukushima est aux portes de Tricastin.

DOMINIQUE – Je vois, tu veux parler du livre de Thierry Gadault et Hugues Demeude ?

JACQUES – Ce bouquin qui sort cette semaine, le fameux « Nucléaire danger immédiat ». Oui, c’est bien danger immédiat, danger immédiat que des auteurs avides de succès vous fassent prendre des vessies pour des lanternes.

PIERRE – Comment ça. Tu ne peux pas savoir, Le livre n’est pas encore en librairie ?

JACQUES – Non, mais la presse en a très largement fait écho ; et on trouve des extraits (des bonnes feuilles) sur le site de l’éditeur.

DOMINIQUE – Et alors ?

JACQUES – Ils ressortent la vieille histoire des microfissures à la surface des cuves de réacteurs. Une histoire qui date de 1979. Ces microfissures sont l’objet d’une surveillance constante. Et 39 ans après, ce ne sont toujours que des microfissures. Alors danger immédiat ?!

ANTOINE – Oui, mais Tricastin, ça va avoir un accident comme à Fukushima.

PIERRE – Ça, c’est tout simplement impossible. Voici pourquoi.    A Fukushima, c’étaient des réacteurs à eau bouillante, alors que chez nous ce sont tous des réacteurs à eau pressurisée. En absence d’eau liquide un réacteur à eau pressurisée s’arrête ; la production massive de chaleur due aux réactions de fission disparaît ; il ne subsiste plus que la chaleur due à la radioactivité des produits de fission, soit 10% au plus de celle produite par les fissions. Les REP bénéficient d’une enceinte de confinement monobloc et massive. Au contraire, c’est grâce à la présence de vapeur produite par l’ébullition de l’eau que les réacteurs à eau bouillante fonctionnent ; donc tant qu’il y a de l’eau sous forme liquide ou vapeur, la réaction en chaîne est entretenue.

JACQUES – Et en plus, les premiers réacteurs de Fukushima, n’avaient pas d’enceinte de confinement monobloc et massive alors que nos réacteurs à eau pressurisée en ont tous une.

ANTOINE – Ah oui, et si le barrages ou les berges du canal du Rhône lâchent, ça fera un tsunami local, comme à Fukushima.

PIERRE – Tu n’y es pas du tout : le risque d’inondation  a été pris en compte dès le début de la construction des réacteurs dans la vallée du Rhône. Ils ont été conçus pour résister à la survenue de la rupture du barrage de Vouglans, rupture qui aurait donné lieu à l’arrivée d’une vague de submersion de 5 mètres de haut dans les rues de Lyon.

DOMINIQUE – Quand-même, une fusion de cœur de réacteur à eau pressurisée, ça s’est déjà produit.

JACQUEs - Oui, c’est ce qui est arrivé le 28 Mars 1979 pour le réacteur numéro 2 de la centrale nucléaire de Three Mile Island à environ 20km de la ville de Harrisburg aux Etats-Unis. A la suite d’un mauvais fonctionnement de soupapes et d’erreurs des opérateurs le réacteur, bien qu’arrêté fut privé de refroidissement ; la chaleur résiduelle encore élevée à ce moment, a entraîné la fusion d’environ 50% du cœur et la production d’hydrogène.  La cuve a résisté, mais des produits gazeux se sont néanmoins répandus à l’intérieur de l’enceinte de confinement. Et l’enceinte mérite bien son nom : malgré une déflagration d’hydrogène, elle a confiné la quasi-totalité des émanations radioactives à l’exception de quelques gaz rares. Par peur  de la contamination, 140 000 personnes quitté les lieux voisins du réacteur  lors de la catastrophe, mais elles sont toutes rentrées chez elles dans les trois semaines, et aucune conséquence sur le public ni chez les opérateurs ne fut à regretter.

PIERRE – Ajoutons que, à la suite de cette catastrophe, de nombreuses mesures ont été prises sur les réacteurs français pour d’une part diminuer la probabilité de fusion du cœur, d’autre part empêcher toute déflagration en absorbant l’hydrogène qui serait produit en cas de surchauffe du cœur, et enfin, assurer la décompression de l’enceinte de confinement à travers des filtres qui arrêtent les produits radioactifs, toutes dispositions hélas absentes à Fukushima.

ANTOINE Mais alors, que penser de tous ces médias qui nous font peur dès qu’apparaite un torchon antinucléaire sans se soucier de la validité des propos des soi-disant lanceurs d’alerte et en fasse la publicité ???

PIERRE Ce faisant,  ils alimentent  la crainte viscérale du nucléaire d’une bonne partie de la population, renforçant ainsi de façon irresponsable des réponses de panique à toute menace nucléaire,  provenant, par exemple, de groupes terroristes. Et les comportements de panique, eux, représentent un vrai danger. Espérons que nos médias finiront par mesurer leurs responsabilités 

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