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Oui aux aides au remplacement des chaudières fioul, mais pas pour les remplacer par une autre énergie fossile

« Le secteur du logement consomme davantage d'énergie que l'industrie et presque autant que les transports. Chez les particuliers, le chauffage est le premier poste de consommation énergétique dans les logements (près de 60% de la consommation finale d'énergie des résidences principales) » : on ne peut que partager le constat et la préoccupation exprimée par le Ministère de la Transition Énergétique et Solidaire. On peut y ajouter que les secteurs du bâtiment (résidentiel et tertiaire) sont responsables de 23% des émissions de CO2 du pays (plus que la production d'électricité dont on parle tant, et plus que le secteur industriel) et que ces émissions sont en augmentation constante depuis plusieurs années.

Alors, quand le gouvernement décide, « pour répondre au besoin d'une transition énergétique solidaire » de lancer une prime à la conversion des chaudières fioul « pensée à la fois pour lutter contre le dérèglement climatique et pour améliorer le pouvoir d'achat », on peut se dire que l'occasion est belle de remplacer ces 3 millions de chaudière très émettrices de gaz à effet de serre par des moyens de chauffage décarbonés et que les aides de l'état seront, dans ce domaine, bien utilisées parce qu'efficaces dans la chasse au CO2.

Le dispositif présenté par le MTES est effectivement très prometteur avec un cumul des aides de l'état (Crédit d'Impôt Transition énergétique, Aides de l'Agence Nationale de l'Habitat, Certificats d'Économie d’Énergie) qui laisse un Reste à Payer limité, financé par des prêts à taux zéro, et qui génère des mensualités plus faibles que les économies réalisées sur la facture d'énergie.

Par exemple, d'après l'évaluation du MTES, pour le remplacement d'une chaudière fioul par une pompe à chaleur air-eau, un couple aux revenus modestes qui cumule un maximum d'aides va économiser 640€ par an durant les 5 premières années (celles du remboursement du prêt) puis 1200€ par an. Belle opération de solidarité qui permet de gagner à la fois en émissions de CO2 et en pouvoir d'achat.

Pourtant, un point du programme intrigue et choque : le bouquet d'aides est destiné à l'installation de chaudières biomasse, de pompes à chaleur air-eau, de pompes à chaleur hybrides, de systèmes solaires combinés … et de chaudières gaz. On vise bien la conversion vers des énergies décarbonées (la qualité quasi unique de l'électricité française de ce point de vue n'est plus à démontrer), alors pourquoi aller vers des chaudières gaz, certes Très Hautes Performances, alors que celles-ci émettent plus de 200 g de CO2 par kWh (contre 300 pour les chaudières au fioul). Même si les performances énergétiques sont améliorées d'environ 30%, on a divisé les émissions par deux alors qu'il faut viser des émissions quasi nulles. Par ailleurs, quelle est la cohérence de cette subvention aux chaudières gaz, alors que le gouvernement affiche son intention d'instaurer une taxe carbone et donc de taxer le gaz? C'est à minima incohérent et même irresponsable puisque les consommateurs qui opteraient pour ce type de chaudière se trouveront dans une impasse dans quelques années : n'a t-on tiré aucun enseignement de la récente polémique sur le diesel ?

Selon une très intéressante étude diffusée par le Shift Project, le financement des nouvelles chaudières gaz a plusieurs effets négatifs :

  • subventionner les chaudières gaz, c'est garantir les émissions de gaz à effet de serre pour les 20 ans à venir, c'est à dire pour la durée de vie de ces matériels
  • inciter à installer des chaudières au gaz, c'est grossir le nombre de ménages durablement dépendants aux énergies fossiles
  • inciter à installer des chaudières au gaz, c'est exposer ces ménages souvent précaires à la hausse des prix du gaz (dont l'inévitable taxe carbone) et donc s'engager à des aides publiques croissantes qui vont engager le budget public bien au-delà des aides initiales au remplacement de la chaudière. On peut rappeler que le gaz naturel est entièrement importé et qu'aucun scenario sérieux n'envisage une place importante du biogaz dans les vingt années à venir.

Subventionner les chaudières gaz, c'est donc renoncer à donner un signal clair pour des modes de chauffage compatibles avec la neutralité carbone visée pour 2050. Des alternatives bas carbone sont totalement disponibles et doivent être déployées. Si une partie du gaz fossile doit pouvoir être remplacée, dans le futur, par du biogaz, il faut réserver son usage aux domaines dans lesquels il sera incontournable comme les transports lourds et certains usages industriels.

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