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Note sur les STEP

  • Publié le 28 avril 2013
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Ateliers sur la Transition Energétique

Conférence de Jean-Jacques HEROU à Grenoble le 19 avril 2013

 

Note sur les STEPs 

Expert : Jean-Jacques Herou      Contributeurs : Bernard Revil
Editeur : Jacques Talbot      -      ind B revu le 24-avril-2013

Résumé : les STEPS peuvent apporter de nombreux services à un système électrique. Il existe en France un potentiel inexploité, en montagne et en haut de falaises en bord de mer. Ce potentiel doit être valorisé pour le système électrique français et aussi à l’exportation. Or, il existe des inhibiteurs réglementaires qui devraient pouvoir être levés dans le cadre d’une évolution de la politique énergétique.

Etat des lieux

Les STEPs (Station de Transfert d'Énergie par Pompage) connaissent un certain regain d’intérêt au niveau mondial dans certains pays, après 20 ans de léthargie relative. Sans doute à cause de l’évolution des mix électriques et en particulier de l’ampleur de l’introduction de centrales intermittentes (éolien, solaire) dans ces dits pays.

Les STEPs peuvent rendre de nombreux services au système électrique, quel que soit le mix considéré : elles adaptent l’offre et la demande à différentes échelles de temps, permettent de faire fonctionner les centrales nucléaires et à flamme en régime stationnaire optimal, minimisant ainsi leur pollution et compensent en partie l’aspect fluctuant de certaines énergies renouvelables.

En France, nous disposons de  10 STEPs dont les 6 principales totalisent 5GW de puissance en turbine et 4 GW en pompe ; elles produisent 3600 GWh par an en turbinage.

Du fait de sa géographie (montagnes, falaises), la France a un potentiel de STEPs important, tout comme la Suisse, l’Autriche, le Portugal et la Norvège sur le continent européen.

Le potentiel non équipé tourne autour de 5 GW à des conditions économiques raisonnables en fonction de leur taux d’utilisation ; on peut envisager 3 modalités: réutiliser des lacs existants (un ou deux au mieux), construire les deux lacs ou construire des STEPs marines en haut de falaise (elles ne sont pas comptabilisées dans les 5 GW cités[1] car leurs couts, comptable et écologique sont très importants).

Ce potentiel important, une fois équipé,  peut servir non seulement à améliorer le fonctionnement global du réseau français et à réduire les investissements en ligne THT, s’il est justement rémunéré, mais aussi à exporter des services de stockage si eux aussi, ils sont rémunérés. La France aussi pourrait être une « green battery for Europe » tout comme la Norvège l’est, en partie, grâce à ses lacs d’altitude.

Eléments de cout

Une STEP est bien sûr, comme les deux  barrages qu’elle nécessite, intensive en CAPEX[2] (investissement) et modérée en OPEX (opération) - en dehors du prix d’achat de l’électricité de pompage.

Le CAPEX est partagé entre des couts liés à la puissance de pompage – turbinage (cout au MW installé) et des couts liés aux capacités de stockage (cout au MWh) via les volumes des réservoirs.

Ceux-ci sont bien sûr très dépendants des modalités :

  • Le cout au kW est bien maitrisé pour la partie électromécanique :entre 200 et 600 €/kW installé pour des hautes chutes (+ 30 à 90 % pour des basses chutes comme en bord de falaise) ;
  • Pour le génie civil, de 300 à 2000 €/MWh, selon que l’un des réservoirs existe ou qu’ils sont à créer de toutes pièces :
    • En montagne, si on réutilise un ou mieux deux lacs, les couts au MWh sont quasiment nuls (sans extension de la capacité de stockage existante).
  • Pour une STEP marine en haut de falaise, les couts totaux pour une puissance de 100 à 250 MW pourront atteindre jusqu’à 3000 €/kW[3],en fonction de la géologie du site, du fait des surcouts liés à l’eau salée (corrosion, étanchéification du lac supérieur) et des hauteurs de chute relativement faibles.

Modèle économique : une alternative à étudier ?

Dans le modèle français actuel, que l’on peut appeler STEP-production, l’opérateur de la STEP achète l’électricité de pompage et revend l’électricité turbinée au prix spot du marché intérieur, le différentiel de couts ne couvre pas les pertes de rendement car elle est utilisée moins de 500 h/an , ce qui n’est donc pas rentable pour l’exploitant . Il paye en plus un abonnement (TURPE[4]), des taxes et supporte les couts d’opération (faibles).

On peut envisager un modèle alternatif, dit STEP-stockage, dans lequel l’opérateur de la STEP loue un service de stockage à des opérateurs (de réseau, de production ou de gestionnaire d’équilibre) qui y stockent leur électricité sous forme d’une valeur de l’eau. Comme pour les moyens supplémentaires de production, les capacités de stockage par STEP pourraient faire l'objet d'appels d'offre auprès des entreprises des métiers de l'hydraulique, avec une garantie de loyer assurée par l'organisme responsable de l'équilibre de ces capacités.

Dans les deux cas, il faut que l’opérateur trouve un équilibre économique. Une STEP est un investissement à très long terme (100 ans). Il est difficile de garantir un ROI rapide dans le modèle STEP-production. Peut-être le modèle STEP-stockage est- il moins risqué pour l’opérateur de STEP, si un investisseur a réalisé cet apport.

Evolutions réglementaires nécessaires

La réglementation française est pénalisante par rapport à la réglementation suisse (par exemple) car les taxes sont 6 fois moins importantes à la construction et 2 fois moindre en exploitation. Ce qui amène deux paradoxes : les Suisses souhaitent nous vendre des services de stockage par STEPs, et EDF construit des STEPs en Suisse plutôt qu’en France. (Notons aussi que les marchés allemand et italien de l’électricité proposeront, pour une longue période, des prix plus élevés que ceux issus du nucléaire français pour l’énergie de pompage).

Par ailleurs si l’énergie renouvelable intermittente est achetée par obligation d’achat et que les STEP sont sur le marché, seules les périodes avec excèdent d’éolien seront rentables économiquement donc durant une faible période de l’année.

Le prix de l’abonnement de pompage (TURPE) est en effet de 5 c/kW en France et presque deux fois moins cher en Suisse (3c/kW).

Par ailleurs, il serait souhaitable de viser une réglementation des STEPs unifiée au niveau européen (TURPE et fiscalité) pour éviter les distorsions de concurrence.

Aspects R&D

Pour équilibrer production et consommation avec un taux d’énergies fluctuantes élevé, il faut utiliser le plus intelligemment possible les ressources disponibles, dans un souci d’optimisation des couts : STEPs, hydraulique classique, centrales thermiques à flamme, importations, nucléaire. Des études seraient à mener pour disposer d’outils avancés de modélisation, de simulation et de prévision. On peut imaginer comme véhicule des projets européens de type 7ème programme-cadre, dans un esprit « open source » et « open data ». En effet, le problème sera de plus en plus posé au niveau européen avec le Supergrid, et des données météo et énergétiques fiables et disponibles sont sans doute dans l’intérêt général de tous les européens.

Dans les DOM une comparaison entre un stockage décentralisé par batteries jusqu’à 1 MW est en cours d’analyse, vis-à-vis d’une STEM (STEP en eau de mer)  aux vues des exigences environnementales et des couts des 2 solutions de stockage.

 

Conclusion

Les STEPs sont un outil d'équilibre des capacités, notamment avec le développement des énergies renouvelables intermittentes. Ces dernières ne contribueront réellement à diminuer les émissions de CO2 que si elles sont pour partie couplées à des moyens de stockage leur permettant d'assurer un équilibre de capacité. La souplesse du parc actuel, notamment avec les centrales hydrauliques de haute chute ou d'éclusées peuvent répondre en partie à ce besoin, mais ce serait un non-sens de construire des centrales au gaz pour s'assurer de l'équilibre des capacités à l’échelle de temps de la journée.

Il est donc important de lever les inhibiteurs réglementaires et d’être créatif sur le modèle économique.

FIN



[1]Selon B.Mahiou d’EDF, un potentiel de 5 GW de STEPs marines existe en métropole (OPECST, nov. 2011).

[2]CAPEX (capital expenditure) , OPEX (operational expenditure)

[3]Cette borne supérieure, basée sur des devis récents, est éloignée des chiffres annoncés par F.Lempérière pour une STEP marine de 1GW avec une chute de 100m (1000 à 1500 €/kW).

[4]Tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité

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